COVID – Portrait d’une réalité scolaire

Nous traversons une période sans précédent et sommes tous affectés, d’une manière ou une autre, par la crise de la COVID.  Certains plus que d’autres et mon but n’est aucunement de faire une comparaison.  À l’heure des différents bilans de fin d’année, je souhaite simplement relater une réalité.  La réalité du monde scolaire.  La réalité des directions d’établissements.

Je ne remonterai pas jusqu’au 12 mars 2020, journée où tout a basculé, mais c’est depuis cette date qu’une spirale nous entraîne, nous et nos équipes.  Je les salue d’ailleurs au passage et les félicite pour l’incroyable capacité d’adaptation ainsi que la résilience dont elles ont fait preuve.  Je n’évoquerai pas tous les plans qu’on a élaborés, défaits et recommencés pour répondre aux exigences des différents contextes du début de la pandémie (souvenons-nous simplement du retour qui ne s’est jamais produit dans la grande région de Montréal en mai 2020 ou de l’idée des camps pédagogiques dans les semaines qui ont suivi).  Je ne ressasserai pas non plus les souvenirs du plan d’urgence imaginé pour la rentrée de l’année scolaire 2020-21 avec tous les réaménagements nécessaires (le guide de la rentrée publié aux parents de mon École à ce moment-là avait 20 pages!) et ceux du fameux concept des bulles-classes.  Comment les oublier?  Le port du masque dans les aires communes puis dans les classes, les trois étapes d’évaluation réduites à deux en cours de route, la subite bascule à distance avant et après le congé des Fêtes puis combien d’autres ajustements demandés au cours de la dernière année scolaire…  Je n’ai pas besoin de revenir sur tous ces éléments qui se sont ajoutés à notre quotidien ou qui sont venus nous bousculer, mes collègues directeurs et moi.  Non.  Je n’ai qu’à relater la réalité des 5 derniers mois du calendrier scolaire pour illustrer la portée de mon propos.

Au-delà du fait que la rentrée s’est déroulée dans un optimisme relatif avec, entre autres, la reprise des activités parascolaires puis que la vaccination nous laissait voir une certaine lueur au bout du tunnel, la COVID et sa réalité nous ont rapidement rattrapés.

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« J’ai toujours adoré mon emploi et la dose d’imprévus ou d’adrénaline quotidienne qu’elle me procure.  Peu importe ce qui se présente, je priorise et je gère.  Puis, avec l’expérience des 20 dernières années et une bonne dose d’organisation, je finis toujours par me rattraper à la fin de la journée ou encore le weekend.  Je n’ai jamais compté mes heures, mais je crois tout de même, au cours de toutes ces années, avoir réussi à conserver un certain équilibre de vie.  Là, depuis la dernière rentrée, c’est différent.  Il n’y a comme plus assez d’heures dans une semaine pour arriver à tout gérer, à garder l’équilibre. Le sentiment de compétence ou d’efficacité personnelle en prend pour son rhume!»

Même s’il m’est difficile de bien décrire et faire ressentir toute la lourdeur des multiples communications quotidiennes, des nombreuses démarches et de toutes tâches qui découlent des différents aspects reliés à la pandémie, je peux assurément affirmer que c’est la gestion des cas affectant les écoles depuis la rentrée qui demeure le principal enjeu pour les directions d’établissements (particulièrement au primaire). Ainsi, même si le MÉQ, la CNESST et notre Direction régionale de Santé publique nous ont transmis à tour de rôle et encore trop tard (en pleine rentrée du personnel ou même des élèves dans certains cas!) les dizaines de pages à lire pour finaliser les préparatifs de notre début d’année, même si les consignes changent fréquemment et que certaines informations sont parfois divergentes, même si l’annonce du déploiement des tests rapides au primaire a suscité son lot d’inquiétudes et de détails logistiques à gérer auprès du personnel impliqué et des parents et même si le dossier des lecteurs de CO2 avance à pas de tortue, c’est définitivement la gestion des cas de COVID qui rend nos journées, déjà bien remplies avec nos tâches et fonctions habituelles, si difficiles par moments. Juste pour vous donner une idée, j’ai, à ce jour, plus de trois fois plus de situations déclarées depuis la rentrée que dans toute l’année scolaire précédente. Par ailleurs, avec la reprise des activités parascolaires et l’éclatement des bulles, chaque cas déclaré cette année nécessite minimalement un ou deux appel(s) téléphonique(s) ainsi que l’envoi de cinq à six courriels. Comme chaque situation est souvent unique, c’est une démarche qui demande entre 90 et 120 minutes à chaque fois selon la complexité et les différents contacts du cas. Sans compter le retour de l’enquêteur de la Santé publique ainsi que les courriels ou les appels du personnel et des parents qui ont des questions pour lesquelles j’ai souvent les réponses (c’est le seul avantage d’être à l’an 2 de la pandémie!). Autrement, je relis certains documents, je communique avec un collègue ou bien j’écris à des connaissances à la Santé publique pour avoir l’heure juste et ainsi être en mesure de transmettre la bonne information. Mais tout ça, c’est du temps. Du temps que je n’ai pas pour mon école ou mon premier rôle dans ce milieu. Sans compter la pression liée à la vigie, en continu (jours, soirs, fins de semaine), des déclarations de cas ou celle relative à la transmission d’une information de qualité aux parents ainsi qu’au personnel afin d’assurer la santé et la sécurité de ma communauté. Au plus fort de l’automne, à l’intérieur de trois semaines, ce sont 5 classes qui ont dû être fermées pour « basculer » en enseignement à distance et plus d’une vingtaine d’élèves déclarés positifs à la COVID. Je vous laisse imaginer à quoi pouvaient ressembler mes journées…

Je ne veux surtout pas avoir l’air de me plaindre.  Je le répète, je ne fais aucune comparaison avec d’autres milieux ou la réalité de certaines personnes, dans des secteurs d’activité différents.  D’ailleurs, je lève mon chapeau au personnel du domaine de la santé qui ne comptait déjà plus ses heures avant mars 2020, aux entrepreneurs de PME ou aux restaurateurs et tenanciers de bars qui sont sur la corde raide depuis ce moment.  Pour ne nommer que ceux-là…  Au moment où Omicron nous interpelle, que la vaccination n’est pas optimale au primaire (ou même dans la population en général à ce qu’on peut comprendre de la 3e dose attendue) et que le retour à l’école en janvier génère plus de questions que de réponses, je sentais simplement le besoin de décrire une réalité.  Un portait probablement bien pâle pour une réalité passablement plus complexe.  Ma réalité et celle de tous mes collègues à la direction d’un établissement scolaire.