La mue d’un directeur d’école

Comme un reptile, je suis dans une période de mue.  Non, je ne vous parlerai pas ici de problèmes dermatologiques personnels, mais bien d’une « mue professionnelle ».  Une mue qui m’a récemment amené à annoncer mon départ de l’école que je dirige depuis presque dix ans et pour laquelle ma « peau professionnelle » était adaptée, ajustée, voire confortable.  Cela dit, à l’instar d’un reptile qui grandit et vit des périodes de mues tout au long de sa vie, j’étais rendu à cette étape.

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L’analogie avec la mue des reptiles peut vous paraître surprenante, mais j’aime à penser que nous évoluons ou que nous « grandissons », nous aussi, toute notre vie professionnelle.  En tout cas, c’est ma situation; je ne suis plus le directeur que j’étais à ma première affectation, il y a près de 20 ans.  En effet, mis à part mes premiers changements d’école comme enseignant, j’en suis à ma septième « mue » comme directeur et chacune d’elles était nécessaire dans mon cheminement professionnel.  Chaque rencontre, chaque mandat, chaque projet ou chaque décision ont toujours été déterminants et ont servi à me façonner en plus de me faire grandir en tant que cadre scolaire.  Je ne crois pas que l’on naisse avec la pleine mesure de toutes nos compétences.  Au-delà des connaissances qu’on acquiert par différents moyens, je pense plutôt que ce sont nos diverses expériences qui nous forment et qui nous font cheminer, tant comme personnes que comme professionnels.  D’où les mues nécessaires et hautement enrichissantes…  Et ce, même si elles sont parfois surprenantes aux yeux de certains.

« Une seule chose est constante, permanente, c’est le changement »  Héraclite

En fonction de l’espèce, la mue nécessitera plus ou moins de temps.  Pour un reptile, changer de peau est un acte assez rapide en soi.  Néanmoins, il existe toute une préparation à la mue qui dépend de différents facteurs, dont certains qui se rapportent à son environnement, mais aussi son âge.  Encore là, j’y vois différentes similitudes avec ma situation alors que quitter un milieu après pratiquement une décennie est absolument déchirant, même si c’est ma décision.  Les liens tissés au fil des années, les routines établies, la complicité avec certains, la crédibilité acquise, … bref un niveau de confort et une certaine facilité ont retardé ma « mue ».  Toutefois, l’appel du changement et l’intérêt pour un défi au début de la cinquantaine ont, une fois de plus, été plus forts que l’inertie du statu quo.  C’est pratiquement instinctif pour moi; j’ai besoin de me lancer dans le vide, de tester mes capacités et mes limites, d’aller au bout de mes possibilités.  Comme le caractère inné de la mue pour un reptile, même si ce processus naturel le rend vulnérable pendant un certain temps.

J’ai hésité avant d’utiliser l’analogie de la mue d’un reptile, mais je considère que l’image qu’elle révèle correspond bien à ce que j’ai vécu depuis l’annonce de mon départ et ce que je m’apprête à vivre dans un nouveau milieu.  J’ai adoré mes dernières années; j’ai rencontré des gens extraordinaires et j’ai développé une foule de compétences qui m’ont permis d’accomplir de grandes choses.  Autant j’en garderai d’excellents souvenirs, autant je regarde maintenant en avant avec excitation après cette « mue professionnelle » qui, malgré son caractère énergivore sur le plan personnel, me permettra un nouveau départ professionnel.  Pour reprendre un vieux proverbe, pas de changement, pas d’agrément!

Voir au-delà de la crise

La date du jeudi 12 mars 2020 est incontestablement, pour moi autant que pour plusieurs de mes collègues, une journée qui restera longtemps dans notre mémoire.  C’est au cours de cette journée que le cours des événements s’est bousculé, que tout a basculé.  Le coronavirus était, me semblait-il, loin de nous.  On voyait des images et on entendait les nouvelles en provenance de l’Asie ou de l’Europe.  Dans ma tête, comme l’Ebola ou d’autres virus, ça ne pouvait se rendre jusqu’en Amérique, au Canada, au Québec ou encore moins toucher mon École.  Comme directeur d’établissement scolaire, j’avais vécu la préparation de la grippe H1N1 sans jamais avoir à mettre le plan d’urgence à exécution.  Dans ma tête, il en était de même avec la COVID-19.  Aujourd’hui, 2 ans plus tard jour pour jour, je réalise à quel point nous n’avions aucune idée de la portée de cette pandémie qui nous a tous affectés et comment elle allait nous mobiliser, à différents égards.

Je me revois, enfermé dans mon bureau tout l’après-midi du 12 mars 2020 avec mon équipe de direction, à tenter de trouver comment écouter, en direct, le point de presse du gouvernement.  Inutile de préciser que, pour les nombreux points de presse quotidiens du premier ministre qui ont suivi, le site Web de l’Assemblée nationale s’est rapidement retrouvé dans les favoris de mon navigateur.  Puis, ce même après-midi, à tenter d’imaginer la suite des choses avec mes collègues et prendre les décisions qui s’imposaient cette journée-là.  C’est ainsi que la fermeture de l’École, un peu à la manière de celle faite lors d’une tempête de neige, avait alors été décrétée pour le lendemain.  Pour que la Ligue nationale de hockey décide d’annuler les matchs au programme ce soir-là, il fallait que ça soit toute une tempête!  Entre le ton de mon courriel de consignes générales acheminé au personnel le matin du 12 mars à 9h30 (il était alors question de la rupture des stocks de lingettes désinfectantes, imaginez!) et celui, à 16h10, où je leur annonçais qu’un cas était suspecté parmi les élèves et que l’École était fermée le lendemain pour évaluation de la situation, il y avait une légère différence.  Puis, au-delà des annonces au personnel et aux parents pour le lendemain, je me questionnais sur la suite des choses…  On sentait bien que le contexte était grave et qu’il allait se passer quelque chose d’important.  Partout dans le monde, tout allait très vite et je commençais à comprendre que le Québec n’y échapperait pas.  Bien que la fermeture du vendredi (vendredi 13!) était déclarée et que les enseignants avaient reçu la consigne de profiter de cette journée pour imaginer une continuité pédagogique à distance, ce concept restait, je l’avoue, assez flou dans ma tête.  La question pédagogique occupait donc une grande place dans ma réflexion, mais, comme directeur général d’une école privée, l’aspect des ressources humaines et celui lié aux finances m’inquiétaient tout autant.  J’avais alors fait un rapide calcul pour déterminer les pertes si toute forme d’enseignement était cessée et que, du même coup, on ne pouvait réclamer le paiement des droits de scolarité.  Le résultat était frappant et ça ne s’avérait pas une option.  Ainsi se terminait ma première journée de cette crise qui, on ne le savait pas encore, ne faisait que commencer…

Le lendemain, malgré la fermeture de l’École décrétée, le technicien informatique, mon équipe de direction et moi étions au poste pour tenter de résoudre la question de la continuité pédagogique à distance.  Celle qui, sans le savoir encore, allait nous permettre de poursuivre notre mission auprès des élèves inscrits cette année-là jusqu’au mois de juin (et même éviter les bris de service jusqu’à ce jour lors des autres fermetures décrétées).  C’est ainsi, à partir du contact d’une de mes directrices, des explications d’une de nos enseignantes et des informations colligées par le technicien informatique que débutait l’analyse de différentes plateformes de visioconférence.  Le pari fait ce matin-là allait s’avérer gagnant puisque le ministre de l’Éducation annonçait, lors du point de presse du même jour, la fermeture des écoles pour les deux prochaines (ses fameuses deux semaines de vacances!).  On connait tous la suite pour la grande région métropolitaine…  De notre côté, une semaine plus tard, notre choix quant à la plateforme de visioconférence était fait et une vidéo explicative était réalisée par le technicien pour présenter son fonctionnement ainsi que différentes fonctionnalités à l’équipe enseignante.  Le reste de cette journée (et de nombreuses autres jusqu’en juin 2020, ou même pour les 2 années scolaires qui suivirent!) allait ensuite être consacré à lire les informations relayées par la Fédération (la FÉEP) et le Ministère, analyser le tout en équipe de direction et rédiger différentes communications.  Dans toutes mes 20 années à la direction d’écoles, je n’ai jamais autant écrit de courriels au personnel ou rédigé de communiqués aux parents.  Jour, soir fin de semaine, il n’y avait pas de meilleur moment ou d’heure idéale; il n’y avait que l’urgence qui me servait de guide.  Souvent pour annoncer ou préciser différentes informations annoncées par le premier ministre ou le ministre de l’Éducation, mais parfois aussi pour corriger ce qui avait été annoncé précédemment puisque les plans venaient de changer, parce qu’« on construisait l’avion en plein vol » comme le disait souvent le premier ministre.  Rares sont ceux qui avaient déjà imaginé qu’un jour la société serait paralysée à ce point et que les écoles resteraient fermées pour une aussi longue période.  En tout cas, certainement pas moi.  De la même façon, je n’avais jamais imaginé, en devenant directeur d’école, que je serais forcé à procéder à des mises à pied temporaires.  Jusqu’au 12 mars 2020, l’éducation était, à mes yeux, un domaine qui demeurait à l’abri d’une foule de circonstances qui étaient l’apanage des autres secteurs du monde du travail.

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Je pourrais continuer encore longtemps à raconter, jour après jour à la manière d’un journal intime, la crise pandémique que j’ai vécue comme directeur général d’une école privée, mais ça n’apporterait rien de bien différent que ce que plusieurs autres personnes ont vécu, de leur côté.  Enseignants, infirmières, restaurateurs, artistes, entrepreneurs, …  Tout le monde y a goûté depuis deux ans!  Chacun peut, à sa façon et selon sa réalité, souligner la lourdeur et la complexité de la situation, le surplus de travail engendré, les nombreux côtés négatifs des fermetures ou des contraintes sanitaires vécues et j’en passe.

Par contre, ce que je souhaite mettre en lumière avec ce billet et ce qui, à mon avis, est important de souligner en cette journée d’anniversaire, ce sont davantage les notions de collaboration, d’entraide et de créativité qui ont été mises en exergue tout au long de cette crise.  Exactement comme le souligne le proverbe africain « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », l’intelligence collective a été déterminante, voire cruciale, tout au long de la pandémie. 

À ce titre, je me considère privilégié d’avoir pu compter sur trois directrices avec qui j’ai pu partager la gestion des différents aspects de la crise.  Hormis ce travail d’équipe réalisé sans compter notre temps ainsi que la complémentarité de nos forces respectives, les résultats n’auraient certainement pas été les mêmes; ni pour les élèves, ni pour le personnel, ni pour l’École.  Je leur suis grandement reconnaissant, entre autres raisons, pour la créativité (que je n’ai pas toujours) dont elles ont fait preuve à maintes reprises en pensant en dehors de la boîte.  Même si nous étions déjà des complices professionnels, la COVID nous a rapprochés.  Dans le même ordre d’idées, la compréhension et l’appui démontrés par les membres du conseil d’administration sont d’autres beaux exemples de collaboration.  Une cellule de crise virtuelle a rapidement été mise en place pour assurer la gouvernance dans un contexte jamais vu et pour lequel il y avait souvent plus de questions que de réponses.  La confiance des administrateurs, tout comme celle de la très grande majorité des parents de nos élèves je dirais, s’est fait sentir dès le début et m’a permis une légitimité dans chacune des décisions difficiles.  J’ai également une pensée pour la collaboration avec mes collègues directeurs du réseau de l’éducation, particulièrement ceux et celles des écoles situées à proximité avec qui j’ai développé des liens qui durent toujours.  La COVID a fait tomber certaines barrières, notamment celle de la compétition pour faire naître l’entraide.  Et que dire de la collaboration de tous les instants avec la FÉEP?  Sans le partage d’information, quotidien par moments (entre autres avec la Note d’information | COVID-19 publiée au cours du printemps 2020), des différents responsables de dossier, la gestion de plusieurs aspects de mon établissement n’aurait pas été la même.  Finalement, quand je repense au travail des enseignants au cours des derniers mois, particulièrement lors du printemps 2020 alors que la poursuite des apprentissages se réalisait uniquement à distance, les mots souplesse et créativité résonnent dans ma tête.  Bien sûr, il y a eu des exemples éloquents en matière d’entraide et de collaboration entre collègues, mais chacun des enseignants a aussi dû puiser dans ses ressources les plus profondes en matière de souplesse et de créativité pour s’adapter à la situation qui prévalait.

Encore mieux!  Nombre des apprentissages mentionnés précédemment qui ont été réalisés en urgence pendant la COVID font toujours partie de nos pratiques professionnelles, encore en présentiel.  Certains ont même été bonifiés depuis.  Comment vous dire…  Même dans les périodes les plus creuses, les moments les plus difficiles, il y a toujours du positif.  Alors que c’était difficile à croire le 12 mars 2020, la preuve est maintenant faite.

Un vrai marathon !

Ça y est, on voit le fil d’arrivée! Dire que l’année qui se termine a été à l’image d’un marathon serait un euphémisme, mais je le pense et je l’écris sciemment. Et je sais de quoi je parle, même si mes belles années de course à pied remontent à près de 25 ans. En effet, à l’époque, j’ai cumulé nombre de 10 km, quelques 20 km et un demi-marathon ainsi qu’un marathon complété en 3:49:49. Mon objectif de l’époque pour cette première course de 42,195 km était de la conclure en moins de 4 heures. Mais, en secret, j’osais simplement la terminer sans trop de mal. Tout à fait à l’image de cette année COVID…

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Quiconque travaille en éducation sait pertinemment que le cliché du marathon, fréquemment utilisé afin d’illustrer une année scolaire, n’est pas si loin de la réalité. Il faut d’abord savoir (ou parfois apprendre à nos dépens…) démarrer lentement, sans se laisser emporter par l’adrénaline de la course puis doser nos énergies pour éviter de vider nos réservoirs avant le fil d’arrivée. Il faut aussi, de temps à autre (souvent?), composer avec les éléments : le vent de face, les montées, la pluie, etc. Bref, surmonter les obstacles et maintenir le rythme, notre rythme. Finalement, il faut arriver à traverser le mur. Ce fameux mur, frappé autour du 30e kilomètre, où on a l’impression que nos réserves sont à zéro et que nos jambes sont coupées en plus d’avoir le moral au plus bas. Ce mur qui nous force à ralentir le rythme considérablement, pour parfois le réduire à une marche… et mieux repartir afin de terminer en force. Ainsi, en année de pandémie, tout ce que je viens de décrire a été rencontré, à différents niveaux, de différentes façons et pour différentes raisons. Nous étions alors tous véritablement engagés dans un marathon, cette course mythique du messager grec Phidippidès qui aurait parcouru la distance d’une quarantaine de kilomètres de Marathon à Athènes afin d’annoncer la victoire contre les Perses en 490 avant Jésus-Christ.

Notre marathon a donc débuté avec un Plan de la rentrée connu à la dernière minute et la rédaction d’un plan d’urgence où, dans les deux cas, il était facile de s’emballer pour tenter de tout faire comme avant en plus des nombreuses adaptations rendues nécessaires et des divers protocoles ajoutés pour la sécurité de tous.  Il aura fallu faire des choix, parfois déchirants, afin de mesurer et répartir sagement nos ressources ainsi que nos énergies.  C’était la seule façon de penser pouvoir terminer le parcours qui était devant nous et pour lequel, contrairement aux adeptes de la course à pied, nous n’avions aucun entrainement (je ne compte évidemment pas celui réalisé au printemps 2020 puisque complètement différent – à tout le moins, pour les écoles de la grande région de Montréal).

Des obstacles?  À chaque jour ou chaque semaine à certains moments.  Le plus grand?  L’incertitude, la perte de plusieurs repères, les difficiles adaptations, l’incohérence, les cas et les éclosions amenant des absences (personnel et élèves) sur des périodes plus ou moins longues, la fréquentation partielle des élèves du 2e cycle du secondaire, le prolongement de certaines mesures, …  Toutes ces réponses!  Mais, à la manière d’un mantra, il fallait se répéter les mots interdépendance – créativité – persévérance pour se recentrer sur l’essentiel et garder le rythme tout au long de notre année marathon ou éviter de dévier de notre trajet.

Puis, à l’instar du mur qui frappe après avoir parcouru environ les 7/10 de la distance totale, c’est au retour de la semaine de relâche du mois de mars, avec la montée des variants et l’obligation du port du masque de procédure pour tous les élèves du primaire, tant dans les espaces communs et les déplacements qu’en classe, que nous avons pris la mesure de la contagion du virus. Alors qu’on espérait que tous les efforts réalisés depuis la rentrée, tant individuels que collectifs, allaient nous épargner une 3e vague ou que les mesures allaient éventuellement s’assouplir avec le retour du beau temps printanier, on a frappé notre mur. Dès lors, on comprenait que rien n’était gagné pour la fin de cette course amorcée à la rentrée. Qu’à cela ne tienne, on n’allait pas baisser les bras, ralentir notre cadence, ou pire encore, arrêter. Pas après tant d’efforts et de chemin parcouru! C’est donc avec quelques ajouts aux protocoles déjà en place, de nouvelles routines et une vigilance accrue que nous avons relancé notre marathon en étant persuadés qu’on finirait par traverser le fil d’arrivée et que l’année scolaire se terminerait de belle façon. Comme dans le cas d’un coureur, c’est d’abord dans la tête qu’on traverse le mur… Ensuite, on puise dans nos ressources. Et c’est exactement, dès le mois de mars, ce que tous les acteurs du monde de l’éducation ont fait pour s’assurer de terminer l’année en force.

À tous les « coureurs » du monde de l’éducation, des plus aguerris aux néophytes, ceux qui ont plusieurs courses à leur actif ou ceux qui en étaient à leur première, je dis bravo pour ce marathon hors du commun. Aucune préparation et aucun entraînement n’étaient possibles pour ce qui dure depuis le 12 mars 2020. Vous êtes de grands athlètes et vous méritez toutes et tous, peu importe votre rôle dans votre équipe-école, une médaille pour la grande capacité d’adaptation dont vous avez fait preuve au quotidien ainsi que l’incroyable résilience que vous avez su démontrer tout au cours de la dernière année. Vous pouvez être fiers de ce que vous avez accompli. Le repos estival sera bienvenu, mérité et nécessaire. Il nous permettra, entre autres, de faire le plein d’énergie afin de compléter notre prochain marathon qui, espérons-le, sera plus facile et prévisible que celui de l’année scolaire qui s’achève dans quelques jours. Bonnes vacances!

L’essentiel est invisible…

Saint-Exupéry l’écrivait dans le Petit Prince et Stéphane Laporte en faisait le titre de sa chronique d’hier sur Laurent Duvernay-Tardif.  Non, je ne vous parlerai pas de football ou de cet athlète québécois, bien que je puisse en dire long sur la persévérance qu’il a démontrée dans son parcours scolaire ou sur son accomplissement en tant que médecin à travers toutes ces années de sport professionnel.  Non.  C’est simplement qu’en ce début de semaine de reconnaissance du travail des enseignants, le titre de Laporte m’a fait penser à tout ce que les enseignants font dans une semaine ou une année, tous ces petits gestes ou ce travail qu’on ne voit pas, mais qui est tellement important et fait souvent toute la différence pour leurs élèves.  Bref, le titre m’a rappelé comment l’effet enseignant, aussi invisible soit-il, est primordial et puissant.

 

Happy teacher welcoming group of his elementary students.

L‘effet enseignant c’est cette forme de complicité entre le prof et ses élèves qui ne se voit pas, mais qui se sent et qui s’entend.  En effet, l’accueil, les mots, les intonations, les expressions et j’en passe, sont autant de façons d’entrer en relation avec les élèves.  Autant de façons de créer le lien avec eux avant même de pouvoir penser enseigner.  Différentes études menées dans la dernière décennie (Allday et al 2011; Allday and Pakurar 2007; Weinstein et al. 2009) l’expliquent bien : la façon dont l’enseignant aborde ses élèves au début de la journée, ou de la période, influence directement leur niveau d’engagement et leurs comportements, deux facteurs clés d’un climat d’apprentissage positif.  Voilà un bel exemple d’essentiel invisible pour les yeux

Une expérimentation a même prouvé que des étudiants aux études postsecondaires auraient des notes jusqu’à 30% plus élevées lorsque leur professeur manifeste un accueil chaleureux et rassurant.  Puissant cet effet enseignant !

De la même façon, il est maintenant reconnu qu’une utilisation adéquate de l’humour en salle de classe permet une émotion positive pour un élève, un petit groupe d’élèves ou même toute la classe.  Cette approche ne remplacera jamais les stratégies de gestion de classe qu’on nous apprend, mais elle gagnerait à être développée et même enseignée dans les facultés d’éducation.  L’utilisation de l’humour en classe peut prendre de multiples formes selon l’enseignant et le niveau de son groupe : se montrer sous un air drôle et caricatural, l’imitation de personnages, les blagues et les jeux de mots, le jeu de rôle, l’autodérision ou l’anecdote personnelle à saveur humoristique, pour ne nommer que ces exemples.  Comme on dit souvent, le ridicule ne tue pas !  La complicité qui se développe alors entre l’enseignant et ses élèves, procurant un état de bien-être et de confiance mutuelle, permet d’aller encore plus loin dans l’invisible pour les yeux… à la manière d’un Patch Adams de l’éducation.

 

Au-delà de la vocation ou de la passion qui anime les enseignants, il y a donc tout un travail essentiel et invisible pour les yeux.  Et je ne parle pas ici de la planification annuelle, de la préparation des leçons, de la correction ou des communications avec les parents.  Bien que ces tâches occupent une grande partie de leur quotidien, je fais plutôt référence à tous les éléments de psychologie et de pédagogie qui constituent les assises de leur enseignement, mais du même coup leur principal défi pour créer un climat propice aux apprentissages.  Je souhaite donc, par ce court billet, souligner l’excellent travail invisible des enseignants qui, jour après jour, mettent du temps et de l’énergie à créer le lien avec les élèves qu’on leur confie ou qui usent de diverses stratégies pour établir un climat de confiance avec eux et, ainsi, les amènent à développer leur plein potentiel.  Les résultats au bulletin sont souvent l’aboutissement des efforts et des stratégies de nos élèves, mais n’oublions pas que l’essentiel est invisible pour les yeux…  Bonne semaine des enseignants !

 

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Et si notre gazon était plus vert qu’on le pense ?

Il y a un peu plus de deux semaines, une délégation composée de 115 directions d’écoles parisiennes a visité des écoles privées québécoises, curieuses d’en apprendre davantage sur l’innovation pédagogique et le fonctionnement des écoles de notre réseau.  Pour notre part, à l’École Saint-Joseph, une école primaire située sur le Plateau Mont-Royal, nous avons eu le privilège d’accueillir vingt d’entre elles.

Speaker addressing group of femalesCrédit photo: iStock

Cette rencontre a donné lieu à des échanges fort enrichissants.  Les visiteurs ont, entre autres, été particulièrement impressionnés devant les efforts déployés par notre équipe-école afin de favoriser la différenciation pédagogique ainsi que pour mettre en place des conditions soutenant les différents rythmes d’apprentissage.  Ainsi, en plus du travail accompli dans nos différentes classes, de la maternelle à la 6e année, les directrices et les directeurs de la délégation française ont notamment remarqué ce qui est proposé aux élèves inscrits dans nos programmes (musique-études et ID+).

L’école québécoise a fait des pas de géant au cours des dernières années pour diversifier ses approches pédagogiques et amener les élèves à être davantage en action.  Les jeunes doivent toujours maîtriser le français et les mathématiques, apprendre l’histoire et la géographie, et cela demande un effort soutenu et de la rigueur.  On n’y échappe pas.  Toutefois, contrairement aux classes traditionnelles où les élèves sont assis à des pupitres disposés en rangs et assistent à un enseignement magistral ou travaillent en silence, les classes de plusieurs écoles québécoises sont des milieux de vie dynamiques, où les élèves sont activement engagés dans leurs apprentissages prouvant qu’il est possible d’en faire des établissements agréables et stimulants pour tous les jeunes, y compris ceux qui ont plus de difficultés.

 

Soyons fiers du tourisme pédagogique réalisé au Québec

Pour mes collègues et moi, cette visite, les discussions menées avec nos homologues parisiens ainsi que tous les échanges réalisés grâce aux réseaux sociaux nous indiquent que nous sommes sur la bonne voie.  Il ne faut pas avoir peur de s’en enorgueillir, car trop souvent on ne rapporte que les mauvaises nouvelles sur l’état de l’éducation au Québec ou trop souvent on regarde du côté de la Scandinavie en pensant que c’est un système pédagogique modèle.  Je ne dis pas que tout est parfait de notre côté et qu’il ne faut pas rester à l’affût de la recherche ou encore exercer une vigie sur ce qui se fait ailleurs, mais pouvons-nous être fiers de ce qui va bien ?  En ce qui me concerne, je le crois.

Un mois après la rentrée…

Je n’ai jamais vraiment cherché à comprendre ce qui se passait dans les derniers jours des vacances estivales, ni lors des premières semaines de l’année scolaire.  Tout ce que je sais, c’est que les sentiments et les émotions qui m’habitaient (et m’habitent toujours après 25 ans en éducation) étaient uniques, difficiles à exprimer et ardus à comprendre pour mon entourage, même pour les gens les plus proches, même pour ceux ou celles travaillant dans un système de services publics comme celui de la santé et des services sociaux.  J’ai donc toujours pensé que le milieu de l’éducation, sans être un « cas unique », avait ses particularités bien à lui avec son vocabulaire, son calendrier, son organisation du travail, sa mentalité, …  Sans le savoir, je pense que j’avais (et que j’ai toujours) raison.

 

C’est la remarque d’un nouveau parent ayant fait, à quelques jours de la rentrée, la visite de mon école en vue de l’admission de son fils qui m’a permis de tout comprendre.  En effet, alors qu’il constatait que du mobilier, des boîtes et autres éléments des classes et bureaux trônaient toujours dans certains corridors (et que je tentais de cacher mon malaise devant ce tohu-bohu), il m’a lancé spontanément :

« Je n’avais jamais réalisé tout ce qu’une rentrée impliquait.  C’est vraiment comme un déménagement, comme un nouveau départ à chaque année! ».

Sur le coup, je ne savais pas trop quoi penser de son commentaire.  Je l’ai trouvé poli.  J’ai même cru que mon malaise était clairement perceptible et qu’il tentait seulement d’être complaisant pour s’assurer d’une bonne note au dossier de son enfant.

Cependant, j’ai eu l’occasion de croiser ce père dans d’autres circonstances quelques jours plus tard et, bien que je ne cherchais pas nécessairement à reparler de sa visite de l’école, il m’a réitéré combien il avait été impressionné de la somme de travail qui est accompli pendant l’été et en prévision d’une rentrée scolaire.  Non seulement il venait de transformer mes perceptions de l’autre moment passé en sa compagnie, il venait surtout de me permettre de mettre une image, des mots, des sentiments sur ce qu’on vit, année après année, au retour des vacances estivales.  Je venais, en une fraction de seconde, de tout comprendre.  Eurêka !

A posteriori, c’est exactement ce qu’on vit.  Issu de l’entreprise privée en informatique et du monde des affaires, ce père ne comprenait probablement pas toutes les subtilités du travail accompli par la secrétaire, la technicienne en organisation scolaire, l’agente de bureau les concierges, les ouvriers journaliers, le technicien informatique, la directrice de secteur et le directeur général à quelques jours de la rentrée du personnel et de celle des élèves.  Imaginez s’il avait croisé des enseignants et des éducateurs du service de garde !  Il ne pouvait comprendre toutes les subtilités et l’ampleur de la tâche, mais il voyait et sentait que quelque chose se passait.  Et quelque chose de gros pour comparer ça à un déménagement !

Des différences notables

Revenir de deux, trois ou même quatre semaines de vacances avec la même pile de dossiers sur le coin du bureau et repartir une année scolaire après 4 (direction) ou 8 (personnel enseignant) semaines de vacances ne se comparent pas.  C’est là une bonne partie de mon point derrière le titre de ce billet.  De l’aveu même du père, le principal élément qui distingue le cadre scolaire du reste des autres milieux de travail réside dans ce « nouveau départ » qui est colossal.

Teacher posing on blackboard.

Nonobstant le fait qu’il faut se remettre en marche après ces semaines « d’inactivité » (j’y reviendrai plus loin…), il faut aussi, pour la direction, souvent composer avec du nouveau personnel et de nouvelles familles.  Il faut surtout, pour les enseignants et les éducateurs, à moins d’enseigner en classe cycle ou faire du looping, toujours repartir à zéro avec un nouveau groupe d’élèves.  Bien sûr, il y a les « portraits de classe » et les « tableaux de constitution de groupe » pour gagner du temps, mais tout le reste demeure à faire ou à mettre en place.  Et tout ça, dans les premières minutes, les premières heures, les premiers jours, les premières semaines.  Pas anodin.  Surtout quand on sait que la relation est cruciale dans l’effet-enseignant.  Imaginez un speed dating qui dure 4 semaines.  Épuisant ?  Le mot est faible.

Tandis qu’un employé de bureau, un technicien du domaine de la construction, un dirigeant d’une entreprise informatique ou un professionnel de la santé reprendrait ses dossiers et ses projets là où il les a laissés (dans le pire des cas, où aucun de ses collègues n’aurait pris le relai pendant son absence…), l’enseignant débute l’année scolaire en faisant, à chaque fois, table rase.  Certains diront qu’il y a tout de même une base de l’année précédente, du matériel qui est récupéré, des idées à réinvestir.  J’en conviens.  Pourvu que cet enseignant n’ait pas changé de niveau ou de matière…  Peu importe le contexte dans lequel évolue un enseignant, ces premières semaines sont extrêmement chargées en travail pour aménager la classe, en efforts et en constance pour installer les routines et les règles de classe, en conversations, notes et courriels pour sécuriser et informer les parents, en préparation de cours en collaboration avec les collègues, en initiatives pour instaurer les premiers projets et comités, en ajustements constants pour s’adapter aux élèves et aux situations imprévues de l’horaire ou du calendrier, et j’en passe!  Bref, la rentrée c’est une montagne russe d’émotions et un travail de jour, de soir (de nuit pour certains) et de fin de semaine.  Sans compter que, pour plusieurs enseignants (et autres acteurs du monde de l’éducation), la rentrée a débuté bien avant la première journée du retour à l’école puisque, pendant l’été, ils ont revu leur planification annuelle, imaginé des projets, créé du matériel, …  Allô l’inactivité estivale !

 

Pas étonnant donc, ces jours-ci, à l’heure où on prépare les premières communications à remettre aux parents en plus de tenir nos journées portes ouvertes et nos examens d’admission, qu’on soit fatigué, qu’on perde la voix, qu’on attrape des virus, … qu’on soit essoufflé.  Pas étonnant que la journée mondiale des enseignants soit programmée le 5 octobre de chaque année ; toujours à peu près un mois après le début du calendrier scolaire.  Juste le temps qu’il faut pour réaliser combien notre profession est exigeante et mérite toute la reconnaissance du public.  Juste le temps qu’il faut pour les connaître suffisamment et vouloir leur dire merci et bravo.  Bonne journée mondiale des enseignants !

Médaille d’or aux enseignants!

En ce début de semaine dédiée à la reconnaissance des enseignants du Québec, je désire prendre quelques lignes pour saluer, à ma façon, le travail quotidien qu’ils accomplissent brillamment auprès des élèves qui leur sont confiés.

Pretty, young college student writing on the chalkboard/blackboard

 

Les enseignants, des athlètes de haut niveau

Choisir de devenir enseignant, c’est choisir de courir un marathon chaque année.  Bien sûr, il s’agit d’une allégorie et je l’utilise en sachant pertinemment qu’être enseignant ce n’est pas un exercice purement individuel.  L’idée est tout de même là.  Peu importe la nature ou l’intensité de l’entraînement, la forme physique au départ ou la qualité de l’équipement du coureur, un marathon reste un marathon : une course de fond où il est important de bien gérer ses énergies et les distractions pour éviter le « mur » du 30e kilomètre.

 

Ainsi, être enseignant (et je dirais, au sens plus large, occuper une fonction dans une école) c’est être un athlète de haut niveau qui, chaque année scolaire, tente de se dépasser sur un parcours parfois semé d’embûches.  C’est savoir partir tranquillement, mais d’un pas assuré (à tout le moins en avoir l’air).  C’est être capable d’affronter des vents de face tout en gardant son rythme.  C’est devoir gérer sa faim et sa soif pour éviter les crampes.  C’est savoir ralentir (ou même marcher, si c’est nécessaire) aux endroits ou aux moments opportuns.  Finalement, être enseignant c’est terminer sa course en étant fier de soi.  Tant mieux si on a dépassé nos objectifs, mais ce qui importe surtout c’est d’avoir le goût de recommencer l’année suivante, de se mesurer à un autre parcours, de faire mieux ou différemment.  Toutes les motivations sont bonnes pour reprendre l’entraînement en vue d’un prochain marathon.  Ouf!  Pas toujours facile tout ça…  La course peut paraître longue, être éreintante pour certains, voire insurmontable pour d’autres.  C’est exactement pourquoi il importe de prendre quelques instants, à l’instar des supporteurs massés le long du parcours d’un marathon, pour encourager, féliciter, motiver, applaudir, rafraîchir, soutenir ou réconforter.

 

Toutes les raisons et tous les moments de l’année sont bons pour remercier un enseignant et lui donner une « tape dans le dos », mais profitons de cette semaine spécialement dédiée à la reconnaissance de la profession pour souligner les résultats de la première moitié de son marathon.  Donnons-lui tout de suite sa médaille d’or!

Qu’on nous donne les moyens de nos ambitions!

J’ai tardé à écrire ce billet.  Il y a longtemps que j’ai envie de m’exprimer sur cette situation, mais je donnais la chance, j’espérais que la réponse viendrait la semaine suivante, …  Bref, je restais positif et j’évitais le cynisme.  Mais là, c’en est trop!

 

Depuis l’année scolaire 2016-2017, le ministère de l’Éducation offre une allocation supplémentaire aux écoles privées pour améliorer les services aux élèves à risque et aux élèves HDAA.  Communément appelée la mesure 30120, elle vise un ajout de ressources et la mise en place de divers éléments d’interventions liés aux besoins de ces élèves.

La première année, cette bonne nouvelle est arrivée à la fin du mois de mai avec le projet de règles budgétaires.  Dès ce moment, sans nous fournir un formulaire ou un cadre de rédaction précis, on nous annonçait que les projets devaient être présentés avant le 31 juillet.  Il faut avoir déjà travaillé dans une école pour savoir que la fin d’année scolaire est une période passablement occupée et bien remplie.  Épreuves de fin d’année et coordination de tout ce qui s’y rapporte, soirées et autres moments dédiés aux cérémonies et activités de fin d’année, correction et production du dernier bulletin, embauche du nouveau personnel pour la prochaine année, remise des tâches et signature des contrats, commandes en vue de la prochaine année, …  Personne ne chôme dans une école!  Il y a des périodes fortes et le mois de juin en fait partie.  En juillet, alors qu’ils sont en vacances, comment s’asseoir avec les enseignants concernés afin de les consulter et imaginer un projet pour leurs élèves?  Ainsi, dans les faits, nous n’avons eu que quelques jours afin de compléter notre demande pour la mesure 30120.  Je me souviens même de l’avoir finalisée, par téléphone avec une de mes directrices adjointes, alors que, théoriquement, nous étions tous les deux en vacances!  L’idée ici n’est pas de se plaindre ou de tenter de faire pitié.  Comme bon nombre de mes collègues et plusieurs enseignants, on travaille la fin de semaine et même durant l’été.  Ce n’est pas ça la question.  L’idée ici c’est de montrer dans quel contexte nous avons travaillé pour cette première année de la mesure 30120, qui nous a finalement été confirmée le 31 août 2016.

Pour la deuxième année, l’histoire se répète en ce qui concerne le début du processus.  En effet, les règles budgétaires sont confirmées à la fin du mois de mai et, cette fois-ci, on nous demande de faire parvenir nos projets au plus tard… le 16 juin!.  Oublions les deux dernières semaines de juillet où la plupart des directions d’école sont déjà en vacances afin de reprendre le boulot dès le début du mois d’août, on parle donc d’une échéance devancée d’un mois par rapport à l’année précédente!  Pas qu’un mince changement pour une période de l’année scolaire où l’agenda est déjà bien rempli…  Qu’à cela ne tienne, notre demande, bonifiée par rapport à celle de 2016 puisqu’on nous annonçait une majoration de l’allocation, était présentée au ministère le 15 juin 2017.

Malheureusement, l’histoire ne se termine pas ici.  Je dirais même qu’elle ne fait que se poursuivre.  En effet, le 22 juin 2017, nous recevions un courriel en provenance du ministère au sujet d’un suivi sur la mesure 30120 pour l’année scolaire 2016-2017.  Cette missive faisait alors état d’une demande de reddition de comptes sur l’utilisation des sommes reçues pour l’année scolaire 2016-2017.  Un tableau était joint au courriel et on nous demandait de le compléter sommairement pour ensuite le retourner.  Bien conscients qu’il s’agissait d’une première au chapitre de l’aide supplémentaire offerte pour des élèves à risque au secteur privé, il était tout à fait normal pour nous d’avoir à participer à une forme de suivi et d’évaluation.  Ce qui fut moins anodin pour nous fut le fait d’avoir seulement une semaine pour retourner le tout (je rappelle que nous étions le 22 juin!) en plus de lire la note suivante « Ces renseignements sont nécessaires afin de procéder à l’analyse des projets de l’année 2017-2018 ».  Tout un incitatif à procéder rapidement!  Encore une fois, en professionnels de l’éducation que nous sommes, on s’empressa à répondre de façon exhaustive et dans les délais impartis.  En effet, le 28 juin, notre reddition de comptes 2016-2017 était acheminée au ministère accompagnée, une fois de plus, du formulaire de notre demande pour l’allocation de l’année 2017-2018.

Évidemment, basés sur l’expérience de notre première demande, nous étions confiants qu’une réponse viendrait avant la rentrée scolaire 2017.  Cependant, à ce jour, aucune nouvelle de notre demande ou même de la mesure 30120 au sens large.  Vérification faite auprès de mes collègues des autres écoles privées, rien de leur côté non plus.  Des informations ont circulé dans l’informel et on nous parlait d’abord d’un retard dû à l’augmentation de la subvention (donc plus de projets à étudier…) puis de délais liés au remaniement ministériel de la mi-octobre et au déménagement de bureaux qui s’en serait suivi.  Je garderai mes commentaires pour ce dernier passage et je continue à espérer quant au fait d’obtenir notre allocation, bonifiée, pour l’année scolaire en cours.

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Beaucoup de questions, peu de réponses

Vous aurez compris que je suis quelque peu irrité, et je pèse mes mots, par tout ce processus auquel nous avons participé diligemment, j’oserais même dire docilement, depuis près de 18 mois. D’autant plus que nous n’avons toujours aucune nouvelle, au 29 octobre, de notre demande en vue de l’année scolaire 2017-2018.

D’abord parce que 2 des 10 mois de l’année scolaire viennent de s’écouler et qu’il s’agit de semaines cruciales dans notre projet.  En effet, une bonne part de l’allocation demandée va au dépistage et à l’intervention précoce.  Même s’il n’est jamais trop tard pour agir, disons que plus on intervient tôt, meilleures sont les chances de réussite.  C’est le principe même de l’intervention précoce…  Aurons-nous les résultats escomptés avec l’arrivée de professionnels en décembre?

Puis, parce qu’il devient de plus en plus difficile, plus l’année scolaire avance, d’imaginer qu’on trouvera les ressources humaines nécessaires à notre projet.  Trouver une orthopédagogue pour remplacer la nôtre ayant déjà été un défi au printemps dernier, j’ose à peine imaginer ce que représentera celui d’en attirer une pour du temps partiel, une partie de l’année…  Et que dire de celui de trouver une orthophoniste dans les mêmes conditions?

De plus, que penser du silence du ministère alors que les personnes chargées d’étudier les demandes ont eu 6 semaines de plus cette année (17 juin au 31 juillet)?  Je veux bien croire qu’un plus grand nombre d’écoles aient présenté un projet pour la mesure 30120, mais je décroche lorsque rendus au 29 octobre, nous n’avons aucune nouvelle.  Les responsables du ministère ne peuvent pas nous demander, en juin, de réagir à leurs demandes en une ou deux semaines et n’avoir pris ou transmis aucune décision depuis ce temps.  Ça ne peut pas être deux poids, deux mesures…  Chose certaine, ça manque de sérieux!

 

Vivement une publication des règles budgétaires plus hâtive au printemps ainsi que la conversion des allocations supplémentaires en allocation de base afin d’avoir les moyens de nos ambitions!

S’élever au-dessus du débat public-privé

Cette fois-ci, je me permets un billet qui sort du sujet habituel de mon blogue.  C’est que je me dois de réagir à une situation vécue cette semaine.  Après tout, n’est-ce pas là le propre d’un blogue ; permettre de s’exprimer, d’expliquer ou même de ventiler ?

 

La semaine dernière, des réminiscences du débat public-privé en éducation ont fait l’objet d’un article dans le Huffington Post.  Je suis bien placé pour témoigner ; c’est d’un tournage dans la cour de l’école que je dirige qu’il a été question.

Des tournages, il y en a eu au moins deux par année à l’École Saint-Joseph (1985).  Une Websérie, un épisode pour une émission jeunesse ou une série télévisée, une publicité, des images pour un journal Web, …  Il faut dire que, depuis les scènes captées dans le cadre de Monsieur Lazhar, film de Philippe Falardeau primé dans différents festivals en 2011, le mot se passe dans le milieu artistique.  L’architecture de l’école, le soin apporté à l’entretien des bâtiments, la proximité des bureaux de grands diffuseurs ou de maisons de production, mais aussi le fait que c’est une école privée.  Et ici, par privée, je ne parle pas d’éducation ou d’enseignement, mais bien du fait que c’est une école autonome où les décisions sont prises localement, rapidement, par le directeur général.  Ainsi, même si elle contacte le D.G. que deux semaines avant la date prévue pour le tournage (ce qui arrive fréquemment dans ce milieu…), l’équipe de production peut tout de même avoir une réponse, des détails et l’assurance que son projet se déroulera sans anicroche.  Grosse différence par rapport au système public !  Et je parle ici en connaissance de cause…  J’ai tout de même dirigé 4 écoles publiques sur près de 10 ans avant d’occuper mes fonctions actuelles.  En effet, j’ai déjà manqué l’opportunité de voir le tournage d’un vidéoclip de David Guetta se tenir à mon école pour une réponse qui ne venait pas et, dans un autre registre, j’ai dû faire maintes et maintes démarches, sur près de trois mois, pour avoir la chance d’accueillir une des étapes du Grand Tour cycliste.  Pas (toujours) simple et rapide la bureaucratie d’une commission scolaire !

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Cette précision faite, revenons au débat public-privé.  Pourquoi les tenants de l’école publique soulignent-ils, à grands traits, le fait qu’une récente publicité du gouvernement ait été tournée, en partie, dans une école privée ?  Pour les téléspectateurs qui n’auraient pas encore visionné la publicité en question, cette dernière débute en affichant des images de la réception d’une école, se poursuit avec des images tournées dans ce qui ressemble à un parc-école pour ensuite clairement se terminer dans une cour d’école.  Le dialogue s’établit entre des parents qui se réjouissent de l’annonce d’investissements en éducation.  Une école, une cour d’école et l’annonce de mesures financières pour soutenir les écoles.  Pourquoi en faire tout un plat ?  Rien, absolument rien, ne permet d’identifier qu’il s’agit d’une école privée.  Qui plus est, les idées et les investissements annoncés sont destinés, en très grande majorité, aux écoles publiques.  Rien pour relancer pour le débat public-privé.  Rien !  Pourquoi alors ne pas choisir de célébrer ces annonces du gouvernement ?  Sans tomber dans la partisanerie, pourquoi ne pas se réjouir devant ces investissements massifs en éducation ?  Investissements qui, sans que ce soit nommé comme tel dans le Plan économique du Québec, touchent aussi le privé.

Ainsi, un peu à la manière de ce qui est prévu dans le Plan, les écoles privées ont vu réapparaître certaines allocations supplémentaires afin de créer des environnements propices à l’apprentissage.  C’est donc dans cet esprit que seront versées, au moins cette année, les sommes relatives au plan d’action sur la lecture et celles allouées pour la mise en œuvre du virage informatique.  Par ailleurs, pour ce qui est de l’aide aux élèves ayant des besoins particuliers (n’en déplaise à certains, on en retrouve dans plusieurs écoles privées non sélectives), les mesures 30110 et 30120 sont maintenues.  Ces dernières visent respectivement l’achat de mobilier et d’équipements adaptés ainsi que l’ajout de ressources spécialisées afin de mettre en place différents éléments d’intervention.

Cela dit, sans vouloir mettre de l’huile sur le feu, je tiens tout de même à préciser que la plupart des écoles privées sont des organismes à but non lucratif qui, pour plusieurs d’entre elles, occupent des bâtiments patrimoniaux.  Ainsi, ces écoles gagneraient, elles aussi, à bénéficier d’un financement additionnel pour l’entretien et l’amélioration de leurs infrastructures.  Non seulement elles ne font pas partie du Plan gouvernemental à ce chapitre, mais elles ont vu leur financement diminuer substantiellement à ce chapitre depuis quelques années.

 

Au final, publique ou privée, l’école québécoise doit recevoir positivement plusieurs des récents paramètres budgétaires.  Elle peut, en outre, applaudir les récentes annonces et le Plan mis de l’avant pour relancer l’éducation.  Laissons de côté, pour une fois, le débat public-privé et élevons-nous au-dessus de la mêlée pour voir plus loin qu’une cour d’école.

Une des clés de la persévérance scolaire

En cette fin de la plus récente édition des journées québécoises de la persévérance scolaire (JPS), je prenais conscience de la quantité de nouvelles relativement à des initiatives en ce sens et je réalisais combien de messages d’encouragement et d’annonces d’acteurs de toutes sortes – du ministre de l’Éducation au propriétaire d’une entreprise ayant quelques étudiants à l’emploi de sa PME – étaient apparus sur mon fil Twitter au cours de la dernière semaine.

De la crédibilité de l’enseignant

Malgré le désormais célèbre proverbe africain « Il faut tout un village pour éduquer un enfant », on parle tout de même des journées de la persévérance scolaire.  Quiconque aura eu la chance d’étudier le latin saura que schola réfère directement à l’école, à la classe, donc à l’enseignant.  L’enseignant.  Encore et toujours l’enseignant!  Même si le rôle des parents dans la réussite scolaire est indéniable, qu’on reconnaît aussi que les décisions prises par les instances scolaires ou, plus près de l’élève, celles prises par la direction de l’école peuvent être déterminantes sur un enjeu comme celui du décrochage ou, finalement, que les effets de la mobilisation d’une communauté influencent directement l’avenir des jeunes, c’est à l’enseignant que revient le premier rôle des acteurs réunis autour d’un élève.  Ainsi, sans rien enlever aux différents protagonistes de la réussite scolaire, l’effet enseignant prend ici, une fois de plus, tout son sens.  L’effet positif il va sans dire!  On connaît tous des histoires d’horreur, mais ce ne sont évidemment pas celles-là qui m’intéressent ou qui retiennent mon attention.

Cela dit, pour avoir un effet enseignant favorisant la réussite, certains facteurs ont plus d’impact que d’autres.  Bien sûr, il y a la relation enseignant-élève dont j’ai déjà parlé dans un autre billet, mais il y a aussi la crédibilité qu’accorde l’élève à son enseignant.  En effet, les conclusions de la méta-analyse menée par Hattie ont, depuis 2011, révélées que la crédibilité de l’enseignant influence grandement (d = 0,90) la réussite scolaire.  On pourrait croire au caractère purement subjectif de cette donnée puisqu’il s’agit de la mesure d’une qualité attribuée par l’élève, mais il en est tout autrement.  Bien installée dans le « top 10 » des éléments répertoriés par Hattie, ce dernier ne définit pas la crédibilité comme le ferait le Larousse ou le Robert, mais bien selon quatre éléments qui doivent être omniprésents dans la pratique des enseignants reconnus comme crédibles par leurs élèves : la confiance, la compétence, le dynamisme et la proximité.  Le dernier élément faisant référence, selon la traduction de Stéphane Côté, à la « présence physique » de l’enseignant dans la classe ainsi qu’à « l’aide que l’élève perçoit recevoir lorsqu’il en a de besoin ».  Qu’on soit plus ou moins en accord avec cette définition et/ou son usage dans le classement des facteurs favorisant la réussite, nous avons probablement tous déjà vécu une situation, scolaire ou non, où nous avons persévéré grâce à une personne à qui on accordait, même inconsciemment, une forme de crédibilité.  Tel un athlète avant la finale olympique, on a confiance en nos capacités et on sait combien de fois on a répété ce qu’on s’apprête à faire ou combien d’heures d’entraînement nous ont mené ici.  Malgré tout, on a besoin de notre entraîneur, de l’expression de sa crédibilité; remarquer sa présence, être rassuré par sa compétence, sentir sa confiance et être motivé par son dynamisme.  Donc, à bien y penser, les résultats de Hattie trouvent un réel écho dans la classe…

Prendre conscience de notre impact

Pour en revenir aux JPS, il a toujours été clair pour moi (et ça l’est maintenant davantage) que les enseignants ou le personnel d’une école (éducateurs, professionnels, personnel de soutien, membres de la direction) ont une large part de responsabilité dans la persévérance et la réussite des élèves.  Une part parfois plus grande que celle qu’on peut imaginer ou celle qu’on s’attribue.  Et loin de moi l’idée de mettre de la pression sur les acteurs du système (moi inclus)!  Cependant, il ne faut pas minimiser, voire nier, l’importance de notre rôle auprès des élèves qui nous sont confiés.  Un geste, un mot, un regard…  Une seconde, une minute, une période…  C’est parfois tout ce qu’il faut pour créer le lien, influencer positivement et exercer sa crédibilité auprès d’un élève.  Le reste ne dépend pas toujours de nous, mais l’inverse est moins vrai.

photosourireUn geste, un mot, un regard…  Une seconde, une minute, une période…  C’est parfois tout ce qu’il faut pour créer le lien, influencer positivement et exercer sa crédibilité auprès d’un élève.

Il faut donc s’arrêter 2 minutes pour prendre conscience de l’impact et du pouvoir qu’on peut avoir sur l’apprentissage, le développement, l’orientation scolaire ou même le choix de carrière d’un enfant.  Ça peut donner le vertige à certains, mais c’est un pouvoir que nous nous devons d’exercer avec tout le professionnalisme qu’on nous reconnaît.  Faire de l’école une expérience positive, développer le plein potentiel et influencer pour l’avenir, voilà ce qui résume nos défis quant à la persévérance scolaire. Cela dit, une foule d’exemples se trouvent près de nous (j’en lisais encore un autre ce matin) en ce qui concerne de belles histoires où l’influence d’un enseignant, d’un éducateur, d’un animateur, d’un entraîneur, … fut déterminante dans la vie d’un jeune, aujourd’hui devenu un adulte accompli.  Continuons et ajustons nos pratiques en fonction de ce qui est reconnu et réputé efficace au niveau de la réussite scolaire.

La persévérance scolaire c’est l’affaire de tous, mais souvenons-nous que ça débute en classe et, à ce titre, qu’il nous appartient de prendre les bons moyens afin de s’assurer de viser les meilleurs résultats pour nos élèves.