Les enseignants et la pomme

Allez, faites-le test!  Saisissez les mots enseignants et merci dans la barre de recherche Google.  Puis, sélectionnez les résultats des images et cliquez sur la pastille de la suggestion pour journée mondiale.  Vous verrez, quatre des dix premiers résultats affichent une pomme.  Pourquoi?  Il y a probablement un lien…  J’ai tenté une réponse, en toute simplicité, pour faire un clin d’œil aux enseignants.

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Bien sûr, j’aurais pu écrire quelques lignes en utilisant des expressions renfermant le mot pomme et raconter des histoires au sujet de ma première enseignante alors que j’étais haut comme trois pommes, enchaîner en disant que la pomme ne tombe jamais loin du pommier pour parler de mes succès à l’école et terminer en racontant comment on compare des pommes avec des oranges quand on tente de saisir la réalité du travail des enseignants en faisant des parallèles avec d’autres professions.  Il y aurait eu, avec tout ça, matière à tomber dans les pommes!  Au lieu, laissez-moi vous chanter la pomme, chers enseignants.

En effet, je vois quelques ressemblances avec les pommes.  Il y a tout d’abord le fait qu’on en trouve sur tous les continents.  Pas nécessairement les mêmes variétés ou les mêmes styles pédagogiques, mais une certaine forme d’universalité.  D’ailleurs, comme les cultivars de pommes sont développés pour leurs goûts et les différentes utilisations culinaires, les enseignants se spécialisent selon la clientèle auprès de laquelle ils souhaitent intervenir ou encore la discipline qu’ils affectionnent.  Puis, les deux peuvent facilement briller si on en prend soin et qu’on les place judicieusement dans la lumière.  Qu’il s’agisse des fruits ou des enseignants, certains brillent seuls alors que d’autres donnent un résultat extraordinaire lorsque regroupés.  C’est le cas de la pomme fraîchement cueillie qu’on croque ou de la tarte Tatin savamment exécutée qu’on déguste en étirant chaque bouchée.  Les deux sont délicieuses; ça dépend du moment, du contexte, du but recherché.  Exactement comme en enseignement!

« Chaque pomme est une fleur qui a connu l’amour. »

Félix Leclerc

Finalement, la plus frappante et la plus poétique des comparaisons c’est certainement celle qui ramène les enseignants et les pommes aux fleurs.  En effet, pas de pomme sans d’abord une fleur pollinisée et, comme les fleurs qui dégagent un doux parfum pour ceux qui les entourent, un enseignant a souvent un effet invisible pour les yeux, mais marquant pour la vie de ses élèves.

Si je me fie au dicton qui dit qu’une pomme par jour éloigne le médecin, je ne suis pas prêt d’être malade à vous côtoyer, jour après jour, enseignantes et enseignants.  Je vous remercie pour votre implication de tous les instants, votre travail grandiose et tout ce que vous offrez ou transmettez aux élèves qu’on vous confie.  C’est une grande responsabilité que vous assumez et vous méritez toute mon admiration!

Des anges gardiens

Le concept s’est installé au printemps dernier et, au plus fort de la crise de la COVID-19, le Québec remerciait ses anges gardiens quotidiennement.  Les téléspectateurs qui assistaient alors à chacun des points de presse attendaient avidement que le premier ministre élise les anges gardiens du jour et leur offre ses remerciements les plus sincères.  On a alors, avec raison, largement parlé des préposés aux bénéficiaires (PAB) et on a, notamment, remercié le personnel des services d’urgence ou celui des épiceries et dépanneurs qui, disait-on, mettaient leur vie en jeu pour maintenir les services d’alimentation.  On a même vu des parades pendant lesquelles les puissants gyrophares scintillaient et les tonitruantes sirènes retentissaient.  On ne ménageait rien pour nos anges gardiens.  C’était au printemps…

Aujourd’hui, 5 octobre, la crise de la COVID-19 se poursuit.  Aujourd’hui, 5 octobre, les écoles du Québec sont ouvertes (bien que plusieurs classes soient fermées et vivent l’enseignement à distance).  Aujourd’hui, partout dans le monde, c’est une journée bien spéciale dans le monde de l’éducation ; c’est la journée mondiale des enseignant(e)s initiée par l’UNESCO en 1994.  Cette année, c’est l’occasion de mettre la profession enseignante à l’honneur dans le monde entier, de faire le point sur les progrès accomplis et de mettre l’accent sur ceux et celles qui sont au centre des efforts déployés en vue d’atteindre la cible mondiale de l’éducation : ne laisser personne de côté.  D’ailleurs, conjointement avec d’autres dirigeants d’organisations dédiées aux enfants et à l’éducation, la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, a fait cette déclaration :

« Pendant cette crise, les enseignants ont une fois de plus fait preuve de grandes qualités de leadership et d’innovation, veillant à la #continuitépédagogique et à ne laisser aucun élève de côté.  Partout dans le monde, ils ont travaillé individuellement et collectivement pour trouver des solutions et créer de nouveaux environnements d’apprentissage pour leurs élèves, afin d’assurer la poursuite de l’enseignement.  Leurs conseils sur les plans de réouverture des établissements et le soutien qu’ils fournissent aux élèves dans le cadre du retour à l’école est tout aussi important. »

Je souhaite donc, à mon tour, souligner tout le travail qu’ils ont accompli au printemps dernier et qu’ils accomplissent depuis cette rentrée historique.  Leur engagement, leur dévouement et leur professionnalisme ont toujours été reconnus à travers les époques.  De nos jours, c’est encore plus vrai et remarqué de tous.  La rapidité avec laquelle ils se sont retournés pour assurer une continuité pédagogique à distance, la créativité démontrée pour faire autrement, la résilience manifestée devant les obstacles imposés par un nouveau contexte de travail, l’importance accordée à chacun de leurs élèves au niveau des apprentissages et la bienveillance démontrée dans différentes situations sont autant de preuves tangibles des qualités que je leur reconnais et que j’admire depuis longtemps.

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Nous voici maintenant à l’automne.  Port d’équipements de protection individuelle (EPI), nombreuses absences quotidiennes chez les élèves, nouvelles routines pour se conformer aux règles sanitaires imposées, développement accéléré de compétences technologiques, enseignement à distance, etc.  Autant de contraintes que les enseignant(e)s (et nombre d’autres catégories de personnel des écoles…) surmontent quotidiennement, au plus grand bonheur de leurs élèves, pour assurer la poursuite des apprentissages.  Autant d’arguments pour moi d’affirmer qu’ils sont de réels anges gardiens de l’éducation.  Je n’attendrai donc pas une conférence de presse de nos élus pour le clamer ou encore une démonstration populaire avec fanfare et trompettes pour l’illustrer.  Non.  Aujourd’hui, j’ai déjà toutes mes raisons pour célébrer nos anges gardiens et rendre hommage à ces femmes et ces hommes qui, par leurs actions quotidiennes, influencent les enfants qu’on leur confie.  Bonne journée mondiale des enseignant(e)s !

Un mois après la rentrée…

Je n’ai jamais vraiment cherché à comprendre ce qui se passait dans les derniers jours des vacances estivales, ni lors des premières semaines de l’année scolaire.  Tout ce que je sais, c’est que les sentiments et les émotions qui m’habitaient (et m’habitent toujours après 25 ans en éducation) étaient uniques, difficiles à exprimer et ardus à comprendre pour mon entourage, même pour les gens les plus proches, même pour ceux ou celles travaillant dans un système de services publics comme celui de la santé et des services sociaux.  J’ai donc toujours pensé que le milieu de l’éducation, sans être un « cas unique », avait ses particularités bien à lui avec son vocabulaire, son calendrier, son organisation du travail, sa mentalité, …  Sans le savoir, je pense que j’avais (et que j’ai toujours) raison.

 

C’est la remarque d’un nouveau parent ayant fait, à quelques jours de la rentrée, la visite de mon école en vue de l’admission de son fils qui m’a permis de tout comprendre.  En effet, alors qu’il constatait que du mobilier, des boîtes et autres éléments des classes et bureaux trônaient toujours dans certains corridors (et que je tentais de cacher mon malaise devant ce tohu-bohu), il m’a lancé spontanément :

« Je n’avais jamais réalisé tout ce qu’une rentrée impliquait.  C’est vraiment comme un déménagement, comme un nouveau départ à chaque année! ».

Sur le coup, je ne savais pas trop quoi penser de son commentaire.  Je l’ai trouvé poli.  J’ai même cru que mon malaise était clairement perceptible et qu’il tentait seulement d’être complaisant pour s’assurer d’une bonne note au dossier de son enfant.

Cependant, j’ai eu l’occasion de croiser ce père dans d’autres circonstances quelques jours plus tard et, bien que je ne cherchais pas nécessairement à reparler de sa visite de l’école, il m’a réitéré combien il avait été impressionné de la somme de travail qui est accompli pendant l’été et en prévision d’une rentrée scolaire.  Non seulement il venait de transformer mes perceptions de l’autre moment passé en sa compagnie, il venait surtout de me permettre de mettre une image, des mots, des sentiments sur ce qu’on vit, année après année, au retour des vacances estivales.  Je venais, en une fraction de seconde, de tout comprendre.  Eurêka !

A posteriori, c’est exactement ce qu’on vit.  Issu de l’entreprise privée en informatique et du monde des affaires, ce père ne comprenait probablement pas toutes les subtilités du travail accompli par la secrétaire, la technicienne en organisation scolaire, l’agente de bureau les concierges, les ouvriers journaliers, le technicien informatique, la directrice de secteur et le directeur général à quelques jours de la rentrée du personnel et de celle des élèves.  Imaginez s’il avait croisé des enseignants et des éducateurs du service de garde !  Il ne pouvait comprendre toutes les subtilités et l’ampleur de la tâche, mais il voyait et sentait que quelque chose se passait.  Et quelque chose de gros pour comparer ça à un déménagement !

Des différences notables

Revenir de deux, trois ou même quatre semaines de vacances avec la même pile de dossiers sur le coin du bureau et repartir une année scolaire après 4 (direction) ou 8 (personnel enseignant) semaines de vacances ne se comparent pas.  C’est là une bonne partie de mon point derrière le titre de ce billet.  De l’aveu même du père, le principal élément qui distingue le cadre scolaire du reste des autres milieux de travail réside dans ce « nouveau départ » qui est colossal.

Teacher posing on blackboard.

Nonobstant le fait qu’il faut se remettre en marche après ces semaines « d’inactivité » (j’y reviendrai plus loin…), il faut aussi, pour la direction, souvent composer avec du nouveau personnel et de nouvelles familles.  Il faut surtout, pour les enseignants et les éducateurs, à moins d’enseigner en classe cycle ou faire du looping, toujours repartir à zéro avec un nouveau groupe d’élèves.  Bien sûr, il y a les « portraits de classe » et les « tableaux de constitution de groupe » pour gagner du temps, mais tout le reste demeure à faire ou à mettre en place.  Et tout ça, dans les premières minutes, les premières heures, les premiers jours, les premières semaines.  Pas anodin.  Surtout quand on sait que la relation est cruciale dans l’effet-enseignant.  Imaginez un speed dating qui dure 4 semaines.  Épuisant ?  Le mot est faible.

Tandis qu’un employé de bureau, un technicien du domaine de la construction, un dirigeant d’une entreprise informatique ou un professionnel de la santé reprendrait ses dossiers et ses projets là où il les a laissés (dans le pire des cas, où aucun de ses collègues n’aurait pris le relai pendant son absence…), l’enseignant débute l’année scolaire en faisant, à chaque fois, table rase.  Certains diront qu’il y a tout de même une base de l’année précédente, du matériel qui est récupéré, des idées à réinvestir.  J’en conviens.  Pourvu que cet enseignant n’ait pas changé de niveau ou de matière…  Peu importe le contexte dans lequel évolue un enseignant, ces premières semaines sont extrêmement chargées en travail pour aménager la classe, en efforts et en constance pour installer les routines et les règles de classe, en conversations, notes et courriels pour sécuriser et informer les parents, en préparation de cours en collaboration avec les collègues, en initiatives pour instaurer les premiers projets et comités, en ajustements constants pour s’adapter aux élèves et aux situations imprévues de l’horaire ou du calendrier, et j’en passe!  Bref, la rentrée c’est une montagne russe d’émotions et un travail de jour, de soir (de nuit pour certains) et de fin de semaine.  Sans compter que, pour plusieurs enseignants (et autres acteurs du monde de l’éducation), la rentrée a débuté bien avant la première journée du retour à l’école puisque, pendant l’été, ils ont revu leur planification annuelle, imaginé des projets, créé du matériel, …  Allô l’inactivité estivale !

 

Pas étonnant donc, ces jours-ci, à l’heure où on prépare les premières communications à remettre aux parents en plus de tenir nos journées portes ouvertes et nos examens d’admission, qu’on soit fatigué, qu’on perde la voix, qu’on attrape des virus, … qu’on soit essoufflé.  Pas étonnant que la journée mondiale des enseignants soit programmée le 5 octobre de chaque année ; toujours à peu près un mois après le début du calendrier scolaire.  Juste le temps qu’il faut pour réaliser combien notre profession est exigeante et mérite toute la reconnaissance du public.  Juste le temps qu’il faut pour les connaître suffisamment et vouloir leur dire merci et bravo.  Bonne journée mondiale des enseignants !