En cette semaine de reconnaissance du travail des enseignants, je reviens à l’écriture d’un billet (après un long silence dû à une fin de session universitaire et un changement au niveau professionnel) pour saluer le travail qu’ils accomplissent quotidiennement auprès des jeunes qu’on leur confie et insister sur le concept central de mon blogue, l’effet enseignant.
Être enseignant, c’est se passionner pour un sujet, une matière ou une discipline comme on dit dans le jargon éducatif. Être enseignant, c’est entrer en relation avec un élève, des élèves ou tout un groupe pour, ultimement, leur transmettre notre passion. J’utilise, intentionnellement, l’adverbe ultimement pour décrire l’acte d’enseigner, mais tout en étant parfaitement conscient qu’il s’agit là, pour une foule de bonnes raisons, d’un idéal souvent difficile à atteindre. Cela dit, la relation avec l’élève demeure à la base du geste d’enseigner et une des clés, sinon la pierre angulaire, de la réussite scolaire. Ça, ce n’est pas moi qui le dis, mais bien plusieurs chercheurs réputés et reconnus dans la communauté éducative, notamment le chercheur néo-zélandais John Hattie à travers les conclusions de ses recherches sur des centaines de méta-analyses et son classement des nombreux facteurs influençant la réussite publié à partir de l’année 2009. En effet, la relation de confiance qui s’installe entre l’enseignant et l’élève, même si la taille (« d ») de son effet varie au cours des différentes recherches publiées par Hattie, fait partie de ces facteurs qui influencent fortement la réussite d’un élève.
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Dans le même esprit, Hunter Gehlbach, professeur associé à la Harvard Graduate School of Education, a mené une recherche à travers laquelle la nature des relations entre plus de 300 élèves de 9e année (l’équivalent de la 3e secondaire au Québec) et 25 de leurs enseignants a été étudiée en parallèle avec les résultats de ces mêmes élèves. Ayant tous, préalablement répondus à un sondage qui visait à connaître leurs intérêts et leurs opinions sur différents sujets, les élèves et les enseignants ont été répartis dans quatre groupes dans lesquels les participants n’ont pas tous reçu les mêmes informations :
Dans le groupe contrôle, ni les élèves ni les enseignants n’ont reçu de rétroaction sur les similarités les unissant.
Les élèves ont reçu une liste de 5 éléments qu’ils avaient en commun avec leur enseignant; les enseignants n’ont reçu aucune rétroaction sur leurs points communs.
Les élèves n’ont reçu aucune rétroaction sur ce qu’ils partageaient avec leur enseignant; les enseignants ont reçu une liste de 5 éléments les unissant à leurs élèves.
À la fois les élèves et enseignants ont reçu une liste de 5 éléments qu’ils avaient en commun les uns avec les autres.
Parmi les résultats de cette recherche, deux d’entre eux ont retenu mon attention au niveau de l’effet enseignant. Tout d’abord, il est ressorti que lorsque les enseignants savaient que des éléments communs les unissaient à leurs élèves, ils évaluaient leur relation comme étant plus positive. J’en conclus qu’il est important de s’intéresser à nos élèves pour chercher des similarités, voire trouver des points communs. Puis, il a été noté que, lorsque les enseignants avaient reçu des rapports au sujet des points communs avec un groupe d’élèves sélectionné au hasard, ces derniers obtenaient de meilleurs résultats aux évaluations en classe. Même si Gehlbach nous met en garde de tirer une conclusion à partir de cette seule recherche, elle souligne tout de même, à mon avis, la puissance de l’effet enseignant pour non seulement améliorer la qualité des relations prof-élève dans les écoles secondaires, mais aussi les résultats et la persévérance de nos élèves.
Sans porter seuls tout le poids de la réussite scolaire, ne minimisons donc pas la portée de l’effet enseignant et développons des stratégies pour créer des relations positives avec les élèves. Encore une fois, nous avons la preuve, tant pour un enseignant d’une école primaire que celui d’une école secondaire, que la relation précède le contenu, la matière. Comme le dit si bien Jacques Cool « Tu n’enseignes pas ce que tu sais, tu enseignes qui tu es. ». Bonne semaine aux enseignantes et aux enseignants!
Comme un reptile, je suis dans une période de mue. Non, je ne vous parlerai pas ici de problèmes dermatologiques personnels, mais bien d’une « mue professionnelle ». Une mue qui m’a récemment amené à annoncer mon départ de l’école que je dirige depuis presque dix ans et pour laquelle ma « peau professionnelle » était adaptée, ajustée, voire confortable. Cela dit, à l’instar d’un reptile qui grandit et vit des périodes de mues tout au long de sa vie, j’étais rendu à cette étape.
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L’analogie avec la mue des reptiles peut vous paraître surprenante, mais j’aime à penser que nous évoluons ou que nous « grandissons », nous aussi, toute notre vie professionnelle. En tout cas, c’est ma situation; je ne suis plus le directeur que j’étais à ma première affectation, il y a près de 20 ans. En effet, mis à part mes premiers changements d’école comme enseignant, j’en suis à ma septième « mue » comme directeur et chacune d’elles était nécessaire dans mon cheminement professionnel. Chaque rencontre, chaque mandat, chaque projet ou chaque décision ont toujours été déterminants et ont servi à me façonner en plus de me faire grandir en tant que cadre scolaire. Je ne crois pas que l’on naisse avec la pleine mesure de toutes nos compétences. Au-delà des connaissances qu’on acquiert par différents moyens, je pense plutôt que ce sont nos diverses expériences qui nous forment et qui nous font cheminer, tant comme personnes que comme professionnels. D’où les mues nécessaires et hautement enrichissantes… Et ce, même si elles sont parfois surprenantes aux yeux de certains.
« Une seule chose est constante, permanente, c’est le changement » Héraclite
En fonction de l’espèce, la mue nécessitera plus ou moins de temps. Pour un reptile, changer de peau est un acte assez rapide en soi. Néanmoins, il existe toute une préparation à la mue qui dépend de différents facteurs, dont certains qui se rapportent à son environnement, mais aussi son âge. Encore là, j’y vois différentes similitudes avec ma situation alors que quitter un milieu après pratiquement une décennie est absolument déchirant, même si c’est ma décision. Les liens tissés au fil des années, les routines établies, la complicité avec certains, la crédibilité acquise, … bref un niveau de confort et une certaine facilité ont retardé ma « mue ». Toutefois, l’appel du changement et l’intérêt pour un défi au début de la cinquantaine ont, une fois de plus, été plus forts que l’inertie du statu quo. C’est pratiquement instinctif pour moi; j’ai besoin de me lancer dans le vide, de tester mes capacités et mes limites, d’aller au bout de mes possibilités. Comme le caractère inné de la mue pour un reptile, même si ce processus naturel le rend vulnérable pendant un certain temps.
J’ai hésité avant d’utiliser l’analogie de la mue d’un reptile, mais je considère que l’image qu’elle révèle correspond bien à ce que j’ai vécu depuis l’annonce de mon départ et ce que je m’apprête à vivre dans un nouveau milieu. J’ai adoré mes dernières années; j’ai rencontré des gens extraordinaires et j’ai développé une foule de compétences qui m’ont permis d’accomplir de grandes choses. Autant j’en garderai d’excellents souvenirs, autant je regarde maintenant en avant avec excitation après cette « mue professionnelle » qui, malgré son caractère énergivore sur le plan personnel, me permettra un nouveau départ professionnel. Pour reprendre un vieux proverbe, pas de changement, pas d’agrément!
La date du jeudi 12 mars 2020 est incontestablement, pour moi autant que pour plusieurs de mes collègues, une journée qui restera longtemps dans notre mémoire. C’est au cours de cette journée que le cours des événements s’est bousculé, que tout a basculé. Le coronavirus était, me semblait-il, loin de nous. On voyait des images et on entendait les nouvelles en provenance de l’Asie ou de l’Europe. Dans ma tête, comme l’Ebola ou d’autres virus, ça ne pouvait se rendre jusqu’en Amérique, au Canada, au Québec ou encore moins toucher mon École. Comme directeur d’établissement scolaire, j’avais vécu la préparation de la grippe H1N1 sans jamais avoir à mettre le plan d’urgence à exécution. Dans ma tête, il en était de même avec la COVID-19. Aujourd’hui, 2 ans plus tard jour pour jour, je réalise à quel point nous n’avions aucune idée de la portée de cette pandémie qui nous a tous affectés et comment elle allait nous mobiliser, à différents égards.
Je me revois, enfermé dans mon bureau tout l’après-midi du 12 mars 2020 avec mon équipe de direction, à tenter de trouver comment écouter, en direct, le point de presse du gouvernement. Inutile de préciser que, pour les nombreux points de presse quotidiens du premier ministre qui ont suivi, le site Web de l’Assemblée nationale s’est rapidement retrouvé dans les favoris de mon navigateur. Puis, ce même après-midi, à tenter d’imaginer la suite des choses avec mes collègues et prendre les décisions qui s’imposaient cette journée-là. C’est ainsi que la fermeture de l’École, un peu à la manière de celle faite lors d’une tempête de neige, avait alors été décrétée pour le lendemain. Pour que la Ligue nationale de hockey décide d’annuler les matchs au programme ce soir-là, il fallait que ça soit toute une tempête! Entre le ton de mon courriel de consignes générales acheminé au personnel le matin du 12 mars à 9h30 (il était alors question de la rupture des stocks de lingettes désinfectantes, imaginez!) et celui, à 16h10, où je leur annonçais qu’un cas était suspecté parmi les élèves et que l’École était fermée le lendemain pour évaluation de la situation, il y avait une légèredifférence. Puis, au-delà des annonces au personnel et aux parents pour le lendemain, je me questionnais sur la suite des choses… On sentait bien que le contexte était grave et qu’il allait se passer quelque chose d’important. Partout dans le monde, tout allait très vite et je commençais à comprendre que le Québec n’y échapperait pas. Bien que la fermeture du vendredi (vendredi 13!) était déclarée et que les enseignants avaient reçu la consigne de profiter de cette journée pour imaginer une continuité pédagogique à distance, ce concept restait, je l’avoue, assez flou dans ma tête. La question pédagogique occupait donc une grande place dans ma réflexion, mais, comme directeur général d’une école privée, l’aspect des ressources humaines et celui lié aux finances m’inquiétaient tout autant. J’avais alors fait un rapide calcul pour déterminer les pertes si toute forme d’enseignement était cessée et que, du même coup, on ne pouvait réclamer le paiement des droits de scolarité. Le résultat était frappant et ça ne s’avérait pas une option. Ainsi se terminait ma première journée de cette crise qui, on ne le savait pas encore, ne faisait que commencer…
Le lendemain, malgré la fermeture de l’École décrétée, le technicien informatique, mon équipe de direction et moi étions au poste pour tenter de résoudre la question de la continuité pédagogique à distance. Celle qui, sans le savoir encore, allait nous permettre de poursuivre notre mission auprès des élèves inscrits cette année-là jusqu’au mois de juin (et même éviter les bris de service jusqu’à ce jour lors des autres fermetures décrétées). C’est ainsi, à partir du contact d’une de mes directrices, des explications d’une de nos enseignantes et des informations colligées par le technicien informatique que débutait l’analyse de différentes plateformes de visioconférence. Le pari fait ce matin-là allait s’avérer gagnant puisque le ministre de l’Éducation annonçait, lors du point de presse du même jour, la fermeture des écoles pour les deux prochaines (ses fameuses deux semaines de vacances!). On connait tous la suite pour la grande région métropolitaine… De notre côté, une semaine plus tard, notre choix quant à la plateforme de visioconférence était fait et une vidéo explicative était réalisée par le technicien pour présenter son fonctionnement ainsi que différentes fonctionnalités à l’équipe enseignante. Le reste de cette journée (et de nombreuses autres jusqu’en juin 2020, ou même pour les 2 années scolaires qui suivirent!) allait ensuite être consacré à lire les informations relayées par la Fédération (la FÉEP) et le Ministère, analyser le tout en équipe de direction et rédiger différentes communications. Dans toutes mes 20 années à la direction d’écoles, je n’ai jamais autant écrit de courriels au personnel ou rédigé de communiqués aux parents. Jour, soir fin de semaine, il n’y avait pas de meilleur moment ou d’heure idéale; il n’y avait que l’urgence qui me servait de guide. Souvent pour annoncer ou préciser différentes informations annoncées par le premier ministre ou le ministre de l’Éducation, mais parfois aussi pour corriger ce qui avait été annoncé précédemment puisque les plans venaient de changer, parce qu’« on construisait l’avion en plein vol » comme le disait souvent le premier ministre. Rares sont ceux qui avaient déjà imaginé qu’un jour la société serait paralysée à ce point et que les écoles resteraient fermées pour une aussi longue période. En tout cas, certainement pas moi. De la même façon, je n’avais jamais imaginé, en devenant directeur d’école, que je serais forcé à procéder à des mises à pied temporaires. Jusqu’au 12 mars 2020, l’éducation était, à mes yeux, un domaine qui demeurait à l’abri d’une foule de circonstances qui étaient l’apanage des autres secteurs du monde du travail.
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Je pourrais continuer encore longtemps à raconter, jour après jour à la manière d’un journal intime, la crise pandémique que j’ai vécue comme directeur général d’une école privée, mais ça n’apporterait rien de bien différent que ce que plusieurs autres personnes ont vécu, de leur côté. Enseignants, infirmières, restaurateurs, artistes, entrepreneurs, … Tout le monde y a goûté depuis deux ans! Chacun peut, à sa façon et selon sa réalité, souligner la lourdeur et la complexité de la situation, le surplus de travail engendré, les nombreux côtés négatifs des fermetures ou des contraintes sanitaires vécues et j’en passe.
Par contre, ce que je souhaite mettre en lumière avec ce billet et ce qui, à mon avis, est important de souligner en cette journée d’anniversaire, ce sont davantage les notions de collaboration, d’entraide et de créativité qui ont été mises en exergue tout au long de cette crise. Exactement comme le souligne le proverbe africain « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin », l’intelligence collective a été déterminante, voire cruciale, tout au long de la pandémie.
À ce titre, je me considère privilégié d’avoir pu compter sur trois directrices avec qui j’ai pu partager la gestion des différents aspects de la crise. Hormis ce travail d’équipe réalisé sans compter notre temps ainsi que la complémentarité de nos forces respectives, les résultats n’auraient certainement pas été les mêmes; ni pour les élèves, ni pour le personnel, ni pour l’École. Je leur suis grandement reconnaissant, entre autres raisons, pour la créativité (que je n’ai pas toujours) dont elles ont fait preuve à maintes reprises en pensant en dehors de la boîte. Même si nous étions déjà des complices professionnels, la COVID nous a rapprochés. Dans le même ordre d’idées, la compréhension et l’appui démontrés par les membres du conseil d’administration sont d’autres beaux exemples de collaboration. Une cellule de crise virtuelle a rapidement été mise en place pour assurer la gouvernance dans un contexte jamais vu et pour lequel il y avait souvent plus de questions que de réponses. La confiance des administrateurs, tout comme celle de la très grande majorité des parents de nos élèves je dirais, s’est fait sentir dès le début et m’a permis une légitimité dans chacune des décisions difficiles. J’ai également une pensée pour la collaboration avec mes collègues directeurs du réseau de l’éducation, particulièrement ceux et celles des écoles situées à proximité avec qui j’ai développé des liens qui durent toujours. La COVID a fait tomber certaines barrières, notamment celle de la compétition pour faire naître l’entraide. Et que dire de la collaboration de tous les instants avec la FÉEP? Sans le partage d’information, quotidien par moments (entre autres avec la Note d’information | COVID-19 publiée au cours du printemps 2020), des différents responsables de dossier, la gestion de plusieurs aspects de mon établissement n’aurait pas été la même. Finalement, quand je repense au travail des enseignants au cours des derniers mois, particulièrement lors du printemps 2020 alors que la poursuite des apprentissages se réalisait uniquement à distance, les mots souplesse et créativité résonnent dans ma tête. Bien sûr, il y a eu des exemples éloquents en matière d’entraide et de collaboration entre collègues, mais chacun des enseignants a aussi dû puiser dans ses ressources les plus profondes en matière de souplesse et de créativité pour s’adapter à la situation qui prévalait.
Encore mieux! Nombre des apprentissages mentionnés précédemment qui ont été réalisés en urgence pendant la COVID font toujours partie de nos pratiques professionnelles, encore en présentiel. Certains ont même été bonifiés depuis. Comment vous dire… Même dans les périodes les plus creuses, les moments les plus difficiles, il y a toujours du positif. Alors que c’était difficile à croire le 12 mars 2020, la preuve est maintenant faite.
Nous traversons une période sans précédent et sommes tous affectés, d’une manière ou une autre, par la crise de la COVID. Certains plus que d’autres et mon but n’est aucunement de faire une comparaison. À l’heure des différents bilans de fin d’année, je souhaite simplement relater une réalité. La réalité du monde scolaire. La réalité des directions d’établissements.
Je ne remonterai pas jusqu’au 12 mars 2020, journée où tout a basculé, mais c’est depuis cette date qu’une spirale nous entraîne, nous et nos équipes. Je les salue d’ailleurs au passage et les félicite pour l’incroyable capacité d’adaptation ainsi que la résilience dont elles ont fait preuve. Je n’évoquerai pas tous les plans qu’on a élaborés, défaits et recommencés pour répondre aux exigences des différents contextes du début de la pandémie (souvenons-nous simplement du retour qui ne s’est jamais produit dans la grande région de Montréal en mai 2020 ou de l’idée des camps pédagogiques dans les semaines qui ont suivi). Je ne ressasserai pas non plus les souvenirs du plan d’urgence imaginé pour la rentrée de l’année scolaire 2020-21 avec tous les réaménagements nécessaires (le guide de la rentrée publié aux parents de mon École à ce moment-là avait 20 pages!) et ceux du fameux concept des bulles-classes. Comment les oublier? Le port du masque dans les aires communes puis dans les classes, les trois étapes d’évaluation réduites à deux en cours de route, la subite bascule à distance avant et après le congé des Fêtes puis combien d’autres ajustements demandés au cours de la dernière année scolaire… Je n’ai pas besoin de revenir sur tous ces éléments qui se sont ajoutés à notre quotidien ou qui sont venus nous bousculer, mes collègues directeurs et moi. Non. Je n’ai qu’à relater la réalité des 5 derniers mois du calendrier scolaire pour illustrer la portée de mon propos.
Au-delà du fait que la rentrée s’est déroulée dans un optimisme relatif avec, entre autres, la reprise des activités parascolaires puis que la vaccination nous laissait voir une certaine lueur au bout du tunnel, la COVID et sa réalité nous ont rapidement rattrapés.
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« J’ai toujours adoré mon emploi et la dose d’imprévus ou d’adrénaline quotidienne qu’elle me procure. Peu importe ce qui se présente, je priorise et je gère. Puis, avec l’expérience des 20 dernières années et une bonne dose d’organisation, je finis toujours par me rattraper à la fin de la journée ou encore le weekend. Je n’ai jamais compté mes heures, mais je crois tout de même, au cours de toutes ces années, avoir réussi à conserver un certain équilibre de vie. Là, depuis la dernière rentrée, c’est différent. Il n’y a comme plus assez d’heures dans une semaine pour arriver à tout gérer, à garder l’équilibre. Le sentiment de compétence ou d’efficacité personnelle en prend pour son rhume!»
Même s’il m’est difficile de bien décrire et faire ressentir toute la lourdeur des multiples communications quotidiennes, des nombreuses démarches et de toutes tâches qui découlent des différents aspects reliés à la pandémie, je peux assurément affirmer que c’est la gestion des cas affectant les écoles depuis la rentrée qui demeure le principal enjeu pour les directions d’établissements (particulièrement au primaire). Ainsi, même si le MÉQ, la CNESST et notre Direction régionale de Santé publique nous ont transmis à tour de rôle et encore trop tard (en pleine rentrée du personnel ou même des élèves dans certains cas!) les dizaines de pages à lire pour finaliser les préparatifs de notre début d’année, même si les consignes changent fréquemment et que certaines informations sont parfois divergentes, même si l’annonce du déploiement des tests rapides au primaire a suscité son lot d’inquiétudes et de détails logistiques à gérer auprès du personnel impliqué et des parents et même si le dossier des lecteurs de CO2 avance à pas de tortue, c’est définitivement la gestion des cas de COVID qui rend nos journées, déjà bien remplies avec nos tâches et fonctions habituelles, si difficiles par moments. Juste pour vous donner une idée, j’ai, à ce jour, plus de trois fois plus de situations déclarées depuis la rentrée que dans toute l’année scolaire précédente. Par ailleurs, avec la reprise des activités parascolaires et l’éclatement des bulles, chaque cas déclaré cette année nécessite minimalement un ou deux appel(s) téléphonique(s) ainsi que l’envoi de cinq à six courriels. Comme chaque situation est souvent unique, c’est une démarche qui demande entre 90 et 120 minutes à chaque fois selon la complexité et les différents contacts du cas. Sans compter le retour de l’enquêteur de la Santé publique ainsi que les courriels ou les appels du personnel et des parents qui ont des questions pour lesquelles j’ai souvent les réponses (c’est le seul avantage d’être à l’an 2 de la pandémie!). Autrement, je relis certains documents, je communique avec un collègue ou bien j’écris à des connaissances à la Santé publique pour avoir l’heure juste et ainsi être en mesure de transmettre la bonne information. Mais tout ça, c’est du temps. Du temps que je n’ai pas pour mon école ou mon premier rôle dans ce milieu. Sans compter la pression liée à la vigie, en continu (jours, soirs, fins de semaine), des déclarations de cas ou celle relative à la transmission d’une information de qualité aux parents ainsi qu’au personnel afin d’assurer la santé et la sécurité de ma communauté. Au plus fort de l’automne, à l’intérieur de trois semaines, ce sont 5 classes qui ont dû être fermées pour « basculer » en enseignement à distance et plus d’une vingtaine d’élèves déclarés positifs à la COVID. Je vous laisse imaginer à quoi pouvaient ressembler mes journées…
Je ne veux surtout pas avoir l’air de me plaindre. Je le répète, je ne fais aucune comparaison avec d’autres milieux ou la réalité de certaines personnes, dans des secteurs d’activité différents. D’ailleurs, je lève mon chapeau au personnel du domaine de la santé qui ne comptait déjà plus ses heures avant mars 2020, aux entrepreneurs de PME ou aux restaurateurs et tenanciers de bars qui sont sur la corde raide depuis ce moment. Pour ne nommer que ceux-là… Au moment où Omicron nous interpelle, que la vaccination n’est pas optimale au primaire (ou même dans la population en général à ce qu’on peut comprendre de la 3e dose attendue) et que le retour à l’école en janvier génère plus de questions que de réponses, je sentais simplement le besoin de décrire une réalité. Un portait probablement bien pâle pour une réalité passablement plus complexe. Ma réalité et celle de tous mes collègues à la direction d’un établissement scolaire.
Allez, faites-le test! Saisissez les mots enseignants et merci dans la barre de recherche Google. Puis, sélectionnez les résultats des images et cliquez sur la pastille de la suggestion pour journée mondiale. Vous verrez, quatre des dix premiers résultats affichent une pomme. Pourquoi? Il y a probablement un lien… J’ai tenté une réponse, en toute simplicité, pour faire un clin d’œil aux enseignants.
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Bien sûr, j’aurais pu écrire quelques lignes en utilisant des expressions renfermant le mot pomme et raconter des histoires au sujet de ma première enseignante alors que j’étais haut comme trois pommes, enchaîner en disant que la pomme ne tombe jamais loin du pommier pour parler de mes succès à l’école et terminer en racontant comment on compare des pommes avec des oranges quand on tente de saisir la réalité du travail des enseignants en faisant des parallèles avec d’autres professions. Il y aurait eu, avec tout ça, matière à tomber dans les pommes! Au lieu, laissez-moi vous chanter la pomme, chers enseignants.
En effet, je vois quelques ressemblances avec les pommes. Il y a tout d’abord le fait qu’on en trouve sur tous les continents. Pas nécessairement les mêmes variétés ou les mêmes styles pédagogiques, mais une certaine forme d’universalité. D’ailleurs, comme les cultivars de pommes sont développés pour leurs goûts et les différentes utilisations culinaires, les enseignants se spécialisent selon la clientèle auprès de laquelle ils souhaitent intervenir ou encore la discipline qu’ils affectionnent. Puis, les deux peuvent facilement briller si on en prend soin et qu’on les place judicieusement dans la lumière. Qu’il s’agisse des fruits ou des enseignants, certains brillent seuls alors que d’autres donnent un résultat extraordinaire lorsque regroupés. C’est le cas de la pomme fraîchement cueillie qu’on croque ou de la tarte Tatin savamment exécutée qu’on déguste en étirant chaque bouchée. Les deux sont délicieuses; ça dépend du moment, du contexte, du but recherché. Exactement comme en enseignement!
« Chaque pomme est une fleur qui a connu l’amour. »
Félix Leclerc
Finalement, la plus frappante et la plus poétique des comparaisons c’est certainement celle qui ramène les enseignants et les pommes aux fleurs. En effet, pas de pomme sans d’abord une fleur pollinisée et, comme les fleurs qui dégagent un doux parfum pour ceux qui les entourent, un enseignant a souvent un effet invisible pour les yeux, mais marquant pour la vie de ses élèves.
Si je me fie au dicton qui dit qu’une pomme par jour éloigne le médecin, je ne suis pas prêt d’être malade à vous côtoyer, jour après jour, enseignantes et enseignants. Je vous remercie pour votre implication de tous les instants, votre travail grandiose et tout ce que vous offrez ou transmettez aux élèves qu’on vous confie. C’est une grande responsabilité que vous assumez et vous méritez toute mon admiration!
C’est fait! Le retour à l’école est derrière nous. Une autre rentrée scolaire qui amène son lot de changements, de nouveautés, d’adaptations et tant d’autres situations à gérer. Malgré ce tourbillon annuel, une chose reste constante pour les enseignants : la liste de classe. La fameuse liste de classe! Quels élèves me seront confiés? Aurais-je Untel dans ma classe? Est-ce que X sera toujours comme mes collègues me l’ont décrit? J’espère que Y ne sera pas comme son frère que j’ai déjà eu… Autant de questions ou d’affirmations légitimes, mais dont il faut se méfier.
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La « flèche » de FedEx
Récemment, j’avais la chance et le bonheur d’assister à une conférence de Marius Bourgeois sur le thème « Faiseurs de possible ». En fait, c’est à la suite de mon initiative que Marius était présent à l’occasion de la rentrée 2021 de mon équipe-école. Je l’admets, j’avais volontairement planifié le tout pour qu’on prenne conscience, entre autres, de notre capacité à être des leaders face au groupe qui nous est confié et de notre pouvoir d’influence face aux élèves. Le pouvoir de l’effet enseignant! Ce fameux concept auquel je crois profondément et qui est, à mon avis, trop souvent sous-estimé. C’est donc par différents exemples et quelques illustrations fort bien choisies que Marius nous a convaincus qu’il y a quelque chose à découvrir dans chaque élève. Celle inspirée du logo de l’entreprise FedEx est, à mon avis, la plus éloquente puisqu’elle démontre qu’il y a toujours une « flèche » dans chaque situation, chaque personne, chaque élève.
En effet, à se fier à nos a priori, au premier coup d’œil ou à ce qu’on entend de la majorité, on passe souvent à côté de quelque chose de plus subtil, mais tout aussi important. La « flèche » dans le logo de FedEx a toujours été là, mais pas toujours visible selon le regard qu’on pose ou le temps qu’on prend pour le regarder. Il en est de même pour nos collègues, nos amis, nos élèves… Voyez-vous?
La « flèche », la classe et les élèves
Mais revenons à la liste de classe et appliquons-lui le « principe de la flèche FedEx ». Quel enseignant peut prétendre connaitre tous ses élèves dès le jour 1 de l’année scolaire? Il y a, en effet, un énorme danger qui nous guette dans le fait de vouloir caractériser trop rapidement chacun des élèves qui nous sont confiés. Mettons de côté nos premières impressions, nos idées préconçues ou nos conclusions hâtives. L’être humain est complexe et les élèves changent. Une année scolaire ou même un été c’est souvent une éternité dans la vie d’un jeune. Qu’on pense à l’enfant qui entre à la maternelle et qui a tout à apprendre, à celui du primaire qui, après les 2 mois des vacances estivales, n’est plus l’élève qu’il était en juin ou encore l’ado du secondaire qui vivra assurément au moins une période plus difficile servant à forger son identité, pouvons-nous voir la « flèche » lors de la première journée de classe, la première semaine ou même le premier mois de l’année scolaire? Y a-t-il seulement une flèche qu’on puisse déceler à ce moment? Le sens commun et la psychopédagogie nous enseignent que nous devons être prudents et réserver nos jugements pour bien comprendre et connaitre un élève. Le « principe de la flèche FedEx » demande d’avoir un bon éclairage, de la perspective et une certaine profondeur avant d’y arriver. Et encore! Même avec les meilleures conditions, il se peut qu’on ne puisse pas la voir à certains moments, pour certains élèves. En pareil cas, Marius nous suggère de ne pas hésiter à demander de l’aide à un collègue. Ça réfère au concept de l’équipe-école, à la complémentarité des expériences, des idées et des points de vue; ce qui est « visible » par une personne ne l’est pas nécessairement pour une autre et vice-versa.
Prenons donc le temps, dès les premiers moments de l’année scolaire, de créer un lien de confiance avec chacun de nos élèves. Ce lien si important et puissant selon Hattie (d = 0,52) pour maximiser les chances de réussite scolaire. En oubliant les étiquettes (d = 0,61) et les préjugés, donnons-leur la chance de nous démontrer tout leur potentiel en les plaçant des contextes favorables. Ainsi, peut-être que la « flèche » impossible à voir au jour 1 se révélera graduellement. Qui sait, elle deviendra peut-être plus grosse que le logo et nous éblouira à chaque coup d’œil… D’ailleurs, n’est-ce pas là le défi de tous les différents intervenants dans une équipe-école : faire briller, chacun à sa façon, chaque élève?
Ça y est, on voit le fil d’arrivée! Dire que l’année qui se termine a été à l’image d’un marathon serait un euphémisme, mais je le pense et je l’écris sciemment. Et je sais de quoi je parle, même si mes belles années de course à pied remontent à près de 25 ans. En effet, à l’époque, j’ai cumulé nombre de 10 km, quelques 20 km et un demi-marathon ainsi qu’un marathon complété en 3:49:49. Mon objectif de l’époque pour cette première course de 42,195 km était de la conclure en moins de 4 heures. Mais, en secret, j’osais simplement la terminer sans trop de mal. Tout à fait à l’image de cette année COVID…
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Quiconque travaille en éducation sait pertinemment que le cliché du marathon, fréquemment utilisé afin d’illustrer une année scolaire, n’est pas si loin de la réalité. Il faut d’abord savoir (ou parfois apprendre à nos dépens…) démarrer lentement, sans se laisser emporter par l’adrénaline de la course puis doser nos énergies pour éviter de vider nos réservoirs avant le fil d’arrivée. Il faut aussi, de temps à autre (souvent?), composer avec les éléments : le vent de face, les montées, la pluie, etc. Bref, surmonter les obstacles et maintenir le rythme, notre rythme. Finalement, il faut arriver à traverser le mur. Ce fameux mur, frappé autour du 30e kilomètre, où on a l’impression que nos réserves sont à zéro et que nos jambes sont coupées en plus d’avoir le moral au plus bas. Ce mur qui nous force à ralentir le rythme considérablement, pour parfois le réduire à une marche… et mieux repartir afin de terminer en force. Ainsi, en année de pandémie, tout ce que je viens de décrire a été rencontré, à différents niveaux, de différentes façons et pour différentes raisons. Nous étions alors tous véritablement engagés dans un marathon, cette course mythique du messager grec Phidippidès qui aurait parcouru la distance d’une quarantaine de kilomètres de Marathon à Athènes afin d’annoncer la victoire contre les Perses en 490 avant Jésus-Christ.
Notre marathon a donc débuté avec un Plan de la rentrée connu à la dernière minute et la rédaction d’un plan d’urgence où, dans les deux cas, il était facile de s’emballer pour tenter de tout faire comme avant en plus des nombreuses adaptations rendues nécessaires et des divers protocoles ajoutés pour la sécurité de tous. Il aura fallu faire des choix, parfois déchirants, afin de mesurer et répartir sagement nos ressources ainsi que nos énergies. C’était la seule façon de penser pouvoir terminer le parcours qui était devant nous et pour lequel, contrairement aux adeptes de la course à pied, nous n’avions aucun entrainement (je ne compte évidemment pas celui réalisé au printemps 2020 puisque complètement différent – à tout le moins, pour les écoles de la grande région de Montréal).
Des obstacles? À chaque jour ou chaque semaine à certains moments. Le plus grand? L’incertitude, la perte de plusieurs repères, les difficiles adaptations, l’incohérence, les cas et les éclosions amenant des absences (personnel et élèves) sur des périodes plus ou moins longues, la fréquentation partielle des élèves du 2e cycle du secondaire, le prolongement de certaines mesures, … Toutes ces réponses! Mais, à la manière d’un mantra, il fallait se répéter les mots interdépendance – créativité – persévérance pour se recentrer sur l’essentiel et garder le rythme tout au long de notre année marathon ou éviter de dévier de notre trajet.
Puis, à l’instar du mur qui frappe après avoir parcouru environ les 7/10 de la distance totale, c’est au retour de la semaine de relâche du mois de mars, avec la montée des variants et l’obligation du port du masque de procédure pour tous les élèves du primaire, tant dans les espaces communs et les déplacements qu’en classe, que nous avons pris la mesure de la contagion du virus. Alors qu’on espérait que tous les efforts réalisés depuis la rentrée, tant individuels que collectifs, allaient nous épargner une 3e vague ou que les mesures allaient éventuellement s’assouplir avec le retour du beau temps printanier, on a frappé notre mur. Dès lors, on comprenait que rien n’était gagné pour la fin de cette course amorcée à la rentrée. Qu’à cela ne tienne, on n’allait pas baisser les bras, ralentir notre cadence, ou pire encore, arrêter. Pas après tant d’efforts et de chemin parcouru! C’est donc avec quelques ajouts aux protocoles déjà en place, de nouvelles routines et une vigilance accrue que nous avons relancé notre marathon en étant persuadés qu’on finirait par traverser le fil d’arrivée et que l’année scolaire se terminerait de belle façon. Comme dans le cas d’un coureur, c’est d’abord dans la tête qu’on traverse le mur… Ensuite, on puise dans nos ressources. Et c’est exactement, dès le mois de mars, ce que tous les acteurs du monde de l’éducation ont fait pour s’assurer de terminer l’année en force.
À tous les « coureurs » du monde de l’éducation, des plus aguerris aux néophytes, ceux qui ont plusieurs courses à leur actif ou ceux qui en étaient à leur première, je dis bravo pour ce marathon hors du commun. Aucune préparation et aucun entraînement n’étaient possibles pour ce qui dure depuis le 12 mars 2020. Vous êtes de grands athlètes et vous méritez toutes et tous, peu importe votre rôle dans votre équipe-école, une médaille pour la grande capacité d’adaptation dont vous avez fait preuve au quotidien ainsi que l’incroyable résilience que vous avez su démontrer tout au cours de la dernière année. Vous pouvez être fiers de ce que vous avez accompli. Le repos estival sera bienvenu, mérité et nécessaire. Il nous permettra, entre autres, de faire le plein d’énergie afin de compléter notre prochain marathon qui, espérons-le, sera plus facile et prévisible que celui de l’année scolaire qui s’achève dans quelques jours. Bonnes vacances!
Saint-Exupéry l’écrivait dans le Petit Prince et Stéphane Laporte en faisait le titre de sa chronique d’hier sur Laurent Duvernay-Tardif. Non, je ne vous parlerai pas de football ou de cet athlète québécois, bien que je puisse en dire long sur la persévérance qu’il a démontrée dans son parcours scolaire ou sur son accomplissement en tant que médecin à travers toutes ces années de sport professionnel. Non. C’est simplement qu’en ce début de semaine de reconnaissance du travail des enseignants, le titre de Laporte m’a fait penser à tout ce que les enseignants font dans une semaine ou une année, tous ces petits gestes ou ce travail qu’on ne voit pas, mais qui est tellement important et fait souvent toute la différence pour leurs élèves. Bref, le titre m’a rappelé comment l’effet enseignant, aussi invisible soit-il, est primordial et puissant.
L‘effet enseignant c’est cette forme de complicité entre le prof et ses élèves qui ne se voit pas, mais qui se sent et qui s’entend. En effet, l’accueil, les mots, les intonations, les expressions et j’en passe, sont autant de façons d’entrer en relation avec les élèves. Autant de façons de créer le lien avec eux avant même de pouvoir penser enseigner. Différentes études menées dans la dernière décennie (Allday et al 2011; Allday and Pakurar 2007; Weinstein et al. 2009) l’expliquent bien : la façon dont l’enseignant aborde ses élèves au début de la journée, ou de la période, influence directement leur niveau d’engagement et leurs comportements, deux facteurs clés d’un climat d’apprentissage positif. Voilà un bel exemple d’essentiel invisible pour les yeux…
Une expérimentation a même prouvé que des étudiants aux études postsecondaires auraient des notes jusqu’à 30% plus élevées lorsque leur professeur manifeste un accueil chaleureux et rassurant. Puissant cet effet enseignant !
De la même façon, il est maintenant reconnu qu’une utilisation adéquate de l’humour en salle de classe permet une émotion positive pour un élève, un petit groupe d’élèves ou même toute la classe. Cette approche ne remplacera jamais les stratégies de gestion de classe qu’on nous apprend, mais elle gagnerait à être développée et même enseignée dans les facultés d’éducation. L’utilisation de l’humour en classe peut prendre de multiples formes selon l’enseignant et le niveau de son groupe : se montrer sous un air drôle et caricatural, l’imitation de personnages, les blagues et les jeux de mots, le jeu de rôle, l’autodérision ou l’anecdote personnelle à saveur humoristique, pour ne nommer que ces exemples. Comme on dit souvent, le ridicule ne tue pas ! La complicité qui se développe alors entre l’enseignant et ses élèves, procurant un état de bien-être et de confiance mutuelle, permet d’aller encore plus loin dans l’invisible pour les yeux… à la manière d’un Patch Adams de l’éducation.
Au-delà de la vocation ou de la passion qui anime les enseignants, il y a donc tout un travail essentiel et invisible pour les yeux. Et je ne parle pas ici de la planification annuelle, de la préparation des leçons, de la correction ou des communications avec les parents. Bien que ces tâches occupent une grande partie de leur quotidien, je fais plutôt référence à tous les éléments de psychologie et de pédagogie qui constituent les assises de leur enseignement, mais du même coup leur principal défi pour créer un climat propice aux apprentissages. Je souhaite donc, par ce court billet, souligner l’excellent travail invisible des enseignants qui, jour après jour, mettent du temps et de l’énergie à créer le lien avec les élèves qu’on leur confie ou qui usent de diverses stratégies pour établir un climat de confiance avec eux et, ainsi, les amènent à développer leur plein potentiel. Les résultats au bulletin sont souvent l’aboutissement des efforts et des stratégies de nos élèves, mais n’oublions pas que l’essentiel est invisible pour les yeux… Bonne semaine des enseignants !
Il y a un peu plus de deux semaines, une délégation composée de 115 directions d’écoles parisiennes a visité des écoles privées québécoises, curieuses d’en apprendre davantage sur l’innovation pédagogique et le fonctionnement des écoles de notre réseau. Pour notre part, à l’École Saint-Joseph, une école primaire située sur le Plateau Mont-Royal, nous avons eu le privilège d’accueillir vingt d’entre elles.
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Cette rencontre a donné lieu à des échanges fort enrichissants. Les visiteurs ont, entre autres, été particulièrement impressionnés devant les efforts déployés par notre équipe-école afin de favoriser la différenciation pédagogique ainsi que pour mettre en place des conditions soutenant les différents rythmes d’apprentissage. Ainsi, en plus du travail accompli dans nos différentes classes, de la maternelle à la 6e année, les directrices et les directeurs de la délégation française ont notamment remarqué ce qui est proposé aux élèves inscrits dans nos programmes (musique-études et ID+).
L’école québécoise a fait des pas de géant au cours des dernières années pour diversifier ses approches pédagogiques et amener les élèves à être davantage en action. Les jeunes doivent toujours maîtriser le français et les mathématiques, apprendre l’histoire et la géographie, et cela demande un effort soutenu et de la rigueur. On n’y échappe pas. Toutefois, contrairement aux classes traditionnelles où les élèves sont assis à des pupitres disposés en rangs et assistent à un enseignement magistral ou travaillent en silence, les classes de plusieurs écoles québécoises sont des milieux de vie dynamiques, où les élèves sont activement engagés dans leurs apprentissages prouvant qu’il est possible d’en faire des établissements agréables et stimulants pour tous les jeunes, y compris ceux qui ont plus de difficultés.
Soyons fiers du tourisme pédagogique réalisé au Québec
Pour mes collègues et moi, cette visite, les discussions menées avec nos homologues parisiens ainsi que tous les échanges réalisés grâce aux réseaux sociaux nous indiquent que nous sommes sur la bonne voie. Il ne faut pas avoir peur de s’en enorgueillir, car trop souvent on ne rapporte que les mauvaises nouvelles sur l’état de l’éducation au Québec ou trop souvent on regarde du côté de la Scandinavie en pensant que c’est un système pédagogique modèle. Je ne dis pas que tout est parfait de notre côté et qu’il ne faut pas rester à l’affût de la recherche ou encore exercer une vigie sur ce qui se fait ailleurs, mais pouvons-nous être fiers de ce qui va bien ? En ce qui me concerne, je le crois.
Je n’ai jamais vraiment cherché à comprendre ce qui se passait dans les derniers jours des vacances estivales, ni lors des premières semaines de l’année scolaire. Tout ce que je sais, c’est que les sentiments et les émotions qui m’habitaient (et m’habitent toujours après 25 ans en éducation) étaient uniques, difficiles à exprimer et ardus à comprendre pour mon entourage, même pour les gens les plus proches, même pour ceux ou celles travaillant dans un système de services publics comme celui de la santé et des services sociaux. J’ai donc toujours pensé que le milieu de l’éducation, sans être un « cas unique », avait ses particularités bien à lui avec son vocabulaire, son calendrier, son organisation du travail, sa mentalité, … Sans le savoir, je pense que j’avais (et que j’ai toujours) raison.
C’est la remarque d’un nouveau parent ayant fait, à quelques jours de la rentrée, la visite de mon école en vue de l’admission de son fils qui m’a permis de tout comprendre. En effet, alors qu’il constatait que du mobilier, des boîtes et autres éléments des classes et bureaux trônaient toujours dans certains corridors (et que je tentais de cacher mon malaise devant ce tohu-bohu), il m’a lancé spontanément :
« Je n’avais jamais réalisé tout ce qu’une rentrée impliquait. C’est vraiment comme un déménagement, comme un nouveau départ à chaque année! ».
Sur le coup, je ne savais pas trop quoi penser de son commentaire. Je l’ai trouvé poli. J’ai même cru que mon malaise était clairement perceptible et qu’il tentait seulement d’être complaisant pour s’assurer d’une bonne note au dossier de son enfant.
Cependant, j’ai eu l’occasion de croiser ce père dans d’autres circonstances quelques jours plus tard et, bien que je ne cherchais pas nécessairement à reparler de sa visite de l’école, il m’a réitéré combien il avait été impressionné de la somme de travail qui est accompli pendant l’été et en prévision d’une rentrée scolaire. Non seulement il venait de transformer mes perceptions de l’autre moment passé en sa compagnie, il venait surtout de me permettre de mettre une image, des mots, des sentiments sur ce qu’on vit, année après année, au retour des vacances estivales. Je venais, en une fraction de seconde, de tout comprendre. Eurêka !
A posteriori, c’est exactement ce qu’on vit. Issu de l’entreprise privée en informatique et du monde des affaires, ce père ne comprenait probablement pas toutes les subtilités du travail accompli par la secrétaire, la technicienne en organisation scolaire, l’agente de bureau les concierges, les ouvriers journaliers, le technicien informatique, la directrice de secteur et le directeur général à quelques jours de la rentrée du personnel et de celle des élèves. Imaginez s’il avait croisé des enseignants et des éducateurs du service de garde ! Il ne pouvait comprendre toutes les subtilités et l’ampleur de la tâche, mais il voyait et sentait que quelque chose se passait. Et quelque chose de gros pour comparer ça à un déménagement !
Des différences notables
Revenir de deux, trois ou même quatre semaines de vacances avec la même pile de dossiers sur le coin du bureau et repartir une année scolaire après 4 (direction) ou 8 (personnel enseignant) semaines de vacances ne se comparent pas. C’est là une bonne partie de mon point derrière le titre de ce billet. De l’aveu même du père, le principal élément qui distingue le cadre scolaire du reste des autres milieux de travail réside dans ce « nouveau départ » qui est colossal.
Nonobstant le fait qu’il faut se remettre en marche après ces semaines « d’inactivité » (j’y reviendrai plus loin…), il faut aussi, pour la direction, souvent composer avec du nouveau personnel et de nouvelles familles. Il faut surtout, pour les enseignants et les éducateurs, à moins d’enseigner en classe cycle ou faire du looping, toujours repartir à zéro avec un nouveau groupe d’élèves. Bien sûr, il y a les « portraits de classe » et les « tableaux de constitution de groupe » pour gagner du temps, mais tout le reste demeure à faire ou à mettre en place. Et tout ça, dans les premières minutes, les premières heures, les premiers jours, les premières semaines. Pas anodin. Surtout quand on sait que la relation est cruciale dans l’effet-enseignant. Imaginez un speed dating qui dure 4 semaines. Épuisant ? Le mot est faible.
Tandis qu’un employé de bureau, un technicien du domaine de la construction, un dirigeant d’une entreprise informatique ou un professionnel de la santé reprendrait ses dossiers et ses projets là où il les a laissés (dans le pire des cas, où aucun de ses collègues n’aurait pris le relai pendant son absence…), l’enseignant débute l’année scolaire en faisant, à chaque fois, table rase. Certains diront qu’il y a tout de même une base de l’année précédente, du matériel qui est récupéré, des idées à réinvestir. J’en conviens. Pourvu que cet enseignant n’ait pas changé de niveau ou de matière… Peu importe le contexte dans lequel évolue un enseignant, ces premières semaines sont extrêmement chargées en travail pour aménager la classe, en efforts et en constance pour installer les routines et les règles de classe, en conversations, notes et courriels pour sécuriser et informer les parents, en préparation de cours en collaboration avec les collègues, en initiatives pour instaurer les premiers projets et comités, en ajustements constants pour s’adapter aux élèves et aux situations imprévues de l’horaire ou du calendrier, et j’en passe! Bref, la rentrée c’est une montagne russe d’émotions et un travail de jour, de soir (de nuit pour certains) et de fin de semaine. Sans compter que, pour plusieurs enseignants (et autres acteurs du monde de l’éducation), la rentrée a débuté bien avant la première journée du retour à l’école puisque, pendant l’été, ils ont revu leur planification annuelle, imaginé des projets, créé du matériel, … Allô l’inactivité estivale !
Pas étonnant donc, ces jours-ci, à l’heure où on prépare les premières communications à remettre aux parents en plus de tenir nos journées portes ouvertes et nos examens d’admission, qu’on soit fatigué, qu’on perde la voix, qu’on attrape des virus, … qu’on soit essoufflé. Pas étonnant que la journée mondiale des enseignants soit programmée le 5 octobre de chaque année ; toujours à peu près un mois après le début du calendrier scolaire. Juste le temps qu’il faut pour réaliser combien notre profession est exigeante et mérite toute la reconnaissance du public. Juste le temps qu’il faut pour les connaître suffisamment et vouloir leur dire merci et bravo. Bonne journée mondiale des enseignants !