La Relation, avec un grand R

En cette semaine de reconnaissance du travail des enseignants, je reviens à l’écriture d’un billet (après un long silence dû à une fin de session universitaire et un changement au niveau professionnel) pour saluer le travail qu’ils accomplissent quotidiennement auprès des jeunes qu’on leur confie et insister sur le concept central de mon blogue, l’effet enseignant.

Être enseignant, c’est se passionner pour un sujet, une matière ou une discipline comme on dit dans le jargon éducatif.  Être enseignant, c’est entrer en relation avec un élève, des élèves ou tout un groupe pour, ultimement, leur transmettre notre passion.  J’utilise, intentionnellement, l’adverbe ultimement pour décrire l’acte d’enseigner, mais tout en étant parfaitement conscient qu’il s’agit là, pour une foule de bonnes raisons, d’un idéal souvent difficile à atteindre.  Cela dit, la relation avec l’élève demeure à la base du geste d’enseigner et une des clés, sinon la pierre angulaire, de la réussite scolaire.  Ça, ce n’est pas moi qui le dis, mais bien plusieurs chercheurs réputés et reconnus dans la communauté éducative, notamment le chercheur néo-zélandais John Hattie à travers les conclusions de ses recherches sur des centaines de méta-analyses et son classement des nombreux facteurs influençant la réussite publié à partir de l’année 2009.  En effet, la relation de confiance qui s’installe entre l’enseignant et l’élève, même si la taille (« d ») de son effet varie au cours des différentes recherches publiées par Hattie, fait partie de ces facteurs qui influencent fortement la réussite d’un élève.

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Dans le même esprit, Hunter Gehlbach, professeur associé à la Harvard Graduate School of Education, a mené une recherche à travers laquelle la nature des relations entre plus de 300 élèves de 9e année (l’équivalent de la 3e secondaire au Québec) et 25 de leurs enseignants a été étudiée en parallèle avec les résultats de ces mêmes élèves.  Ayant tous, préalablement répondus à un sondage qui visait à connaître leurs intérêts et leurs opinions sur différents sujets, les élèves et les enseignants ont été répartis dans quatre groupes dans lesquels les participants n’ont pas tous reçu les mêmes informations :

  • Dans le groupe contrôle, ni les élèves ni les enseignants n’ont reçu de rétroaction sur les similarités les unissant.
  • Les élèves ont reçu une liste de 5 éléments qu’ils avaient en commun avec leur enseignant; les enseignants n’ont reçu aucune rétroaction sur leurs points communs.
  • Les élèves n’ont reçu aucune rétroaction sur ce qu’ils partageaient avec leur enseignant; les enseignants ont reçu une liste de 5 éléments les unissant à leurs élèves.
  • À la fois les élèves et enseignants ont reçu une liste de 5 éléments qu’ils avaient en commun les uns avec les autres.

Parmi les résultats de cette recherche, deux d’entre eux ont retenu mon attention au niveau de l’effet enseignant.  Tout d’abord, il est ressorti que lorsque les enseignants savaient que des éléments communs les unissaient à leurs élèves, ils évaluaient leur relation comme étant plus positive.  J’en conclus qu’il est important de s’intéresser à nos élèves pour chercher des similarités, voire trouver des points communs.  Puis, il a été noté que, lorsque les enseignants avaient reçu des rapports au sujet des points communs avec un groupe d’élèves sélectionné au hasard, ces derniers obtenaient de meilleurs résultats aux évaluations en classe.  Même si Gehlbach nous met en garde de tirer une conclusion à partir de cette seule recherche, elle souligne tout de même, à mon avis, la puissance de l’effet enseignant pour non seulement améliorer la qualité des relations prof-élève dans les écoles secondaires, mais aussi les résultats et la persévérance de nos élèves.

Sans porter seuls tout le poids de la réussite scolaire, ne minimisons donc pas la portée de l’effet enseignant et développons des stratégies pour créer des relations positives avec les élèves.  Encore une fois, nous avons la preuve, tant pour un enseignant d’une école primaire que celui d’une école secondaire, que la relation précède le contenu, la matière.  Comme le dit si bien Jacques Cool « Tu n’enseignes pas ce que tu sais, tu enseignes qui tu es. ».  Bonne semaine aux enseignantes et aux enseignants!

Plus ça change, moins c’est pareil

C’est fait!  Le retour à l’école est derrière nous.  Une autre rentrée scolaire qui amène son lot de changements, de nouveautés, d’adaptations et tant d’autres situations à gérer.  Malgré ce tourbillon annuel, une chose reste constante pour les enseignants : la liste de classe.   La fameuse liste de classe!  Quels élèves me seront confiés?  Aurais-je Untel dans ma classe?  Est-ce que X sera toujours comme mes collègues me l’ont décrit?  J’espère que Y ne sera pas comme son frère que j’ai déjà eu…  Autant de questions ou d’affirmations légitimes, mais dont il faut se méfier.

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La « flèche » de FedEx

Récemment, j’avais la chance et le bonheur d’assister à une conférence de Marius Bourgeois sur le thème « Faiseurs de possible ».  En fait, c’est à la suite de mon initiative que Marius était présent à l’occasion de la rentrée 2021 de mon équipe-école.  Je l’admets, j’avais volontairement planifié le tout pour qu’on prenne conscience, entre autres, de notre capacité à être des leaders face au groupe qui nous est confié et de notre pouvoir d’influence face aux élèves.  Le pouvoir de l’effet enseignant!  Ce fameux concept auquel je crois profondément et qui est, à mon avis, trop souvent sous-estimé.  C’est donc par différents exemples et quelques illustrations fort bien choisies que Marius nous a convaincus qu’il y a quelque chose à découvrir dans chaque élève.  Celle inspirée du logo de l’entreprise FedEx est, à mon avis, la plus éloquente puisqu’elle démontre qu’il y a toujours une « flèche » dans chaque situation, chaque personne, chaque élève.

En effet, à se fier à nos a priori, au premier coup d’œil ou à ce qu’on entend de la majorité, on passe souvent à côté de quelque chose de plus subtil, mais tout aussi important.  La « flèche » dans le logo de FedEx a toujours été là, mais pas toujours visible selon le regard qu’on pose ou le temps qu’on prend pour le regarder.  Il en est de même pour nos collègues, nos amis, nos élèves…  Voyez-vous?

La « flèche », la classe et les élèves

Mais revenons à la liste de classe et appliquons-lui le « principe de la flèche FedEx ».  Quel enseignant peut prétendre connaitre tous ses élèves dès le jour 1 de l’année scolaire?  Il y a, en effet, un énorme danger qui nous guette dans le fait de vouloir caractériser trop rapidement chacun des élèves qui nous sont confiés.  Mettons de côté nos premières impressions, nos idées préconçues ou nos conclusions hâtives.  L’être humain est complexe et les élèves changent.  Une année scolaire ou même un été c’est souvent une éternité dans la vie d’un jeune.  Qu’on pense à l’enfant qui entre à la maternelle et qui a tout à apprendre, à celui du primaire qui, après les 2 mois des vacances estivales, n’est plus l’élève qu’il était en juin ou encore l’ado du secondaire qui vivra assurément au moins une période plus difficile servant à forger son identité, pouvons-nous voir la « flèche » lors de la première journée de classe, la première semaine ou même le premier mois de l’année scolaire?  Y a-t-il seulement une flèche qu’on puisse déceler à ce moment?  Le sens commun et la psychopédagogie nous enseignent que nous devons être prudents et réserver nos jugements pour bien comprendre et connaitre un élève.  Le « principe de la flèche FedEx » demande d’avoir un bon éclairage, de la perspective et une certaine profondeur avant d’y arriver.  Et encore!  Même avec les meilleures conditions, il se peut qu’on ne puisse pas la voir à certains moments, pour certains élèves.  En pareil cas, Marius nous suggère de ne pas hésiter à demander de l’aide à un collègue.  Ça réfère au concept de l’équipe-école, à la complémentarité des expériences, des idées et des points de vue; ce qui est « visible » par une personne ne l’est pas nécessairement pour une autre et vice-versa.

Prenons donc le temps, dès les premiers moments de l’année scolaire, de créer un lien de confiance avec chacun de nos élèves.  Ce lien si important et puissant selon Hattie (d = 0,52) pour maximiser les chances de réussite scolaire.  En oubliant les étiquettes (d = 0,61) et les préjugés, donnons-leur la chance de nous démontrer tout leur potentiel en les plaçant des contextes favorables.  Ainsi, peut-être que la « flèche » impossible à voir au jour 1 se révélera graduellement.  Qui sait, elle deviendra peut-être plus grosse que le logo et nous éblouira à chaque coup d’œil…  D’ailleurs, n’est-ce pas là le défi de tous les différents intervenants dans une équipe-école : faire briller, chacun à sa façon, chaque élève?

Il nous restera toujours les souvenirs…

Le décès récent et subit d’un collègue de travail me force, au beau milieu de mes vacances estivales, à faire quelques constats et réflexions une fois le choc passé.  Je prends donc quelques instants pour rédiger le tout et, ainsi, tenter d’exorciser le « hamster qui tourne dans ma tête » depuis 3 jours…

La vie est si fragile

Oui, Luc De LaRochelière avait bien raison dans sa chanson Si fragile parue en 1990, particulièrement populaire lors de la tenue des téléthons Enfants Soleil et toujours aussi d’actualité :

On ne choisit pas toujours la route

Ni même le moment du départ

On n’efface pas toujours le doute

La vieille peur d’être en retard

Et la vie est si fragile

Pourquoi, lui qui venait de se remettre au vélo et mordait dans la vie, a-t-il fait une sortie fatale ?  Comment un homme d’à peine 42 ans, au mitan de sa vie et apparemment en bonne forme physique peut-il succomber, sans avertissement, à un malaise cardiaque ?  Pourquoi une personne généreuse et dédiée aux autres peut-elle disparaître de façon si ingrate ?

On ne choisit pas toujours la route

Ni même le moment du départ

Autant de questions qui sont sans réponses pour moi et bien d’autres, mais qui nous rappellent comment il est important de jouir de chaque moment de la vie, comme s’il s’agissait toujours du dernier.  Un sérieux rappel sur la nécessité de profiter de la vie et de miser sur les éléments positifs qui nous entourent au lieu de s’apitoyer sur son sort et continuellement voir le verre à moitié vide.

On n’efface pas toujours le doute

La vieille peur d’être en retard

Hier, on organisait la journée dédiée aux finissants…  Demain, ç’aurait été la première rentrée tant attendue avec deux autres collègues masculins – le trio des boys de 6e année…

Et la vie est si fragile

Des témoignages qui soutiennent l’effet enseignant

Les décès sont des événements tragiques, mais les témoignages qu’ils génèrent révèlent souvent la grandeur des êtres disparus.  Celui de mon collègue n’est pas différent.  À voir les mentions et commentaires sur Facebook et tous les messages ou témoignages qui affluent par courriel, l’enseignant qu’il était en a certainement marqué plus d’un.  Nombreux ont été les anciens élèves à souligner combien il les avait influencés positivement.  Par des gestes, des regards, des paroles, des routines et combien d’autres choses qu’il accomplissait et qui, sans nécessairement le savoir ou même le vouloir, ont laissé une marque indélébile chez plusieurs de ses élèves.  C’est impressionnant le pouvoir qu’on « confie » à un enseignant alors qu’il prend en charge un groupe d’élèves.

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Être enseignant c’est d’abord faire découvrir des notions aux élèves et leur offrir des situations pour qu’ils développent des compétences, mais c’est tellement plus à la fois.  Et ça, Alexandre l’avait compris !  En effet, il ne ratait jamais une occasion pour essayer de leur inculquer des valeurs qu’il jugeait importantes, pour les inciter à développer leur autonomie et leur sens de l’organisation, pour leur transmettre sa passion pour l’histoire, …  Bref, il tentait, par différents moyens et dans différents contextes, de les inspirer.  Et c’est précisément ça qui a marqué la plupart de ses anciens élèves.  C’est de ça qu’ils se souviennent.

« Je dois une bonne partie de ma persévérance à monsieur Alexandre et je lui en serai toujours reconnaissante.  Sans le savoir, il est le genre de personne de passage dans la vie d’un élève du primaire, mais qui le marque pour très très longtemps » Emmy

Bien sûr, ils se remémorent aussi le code de correction, la méthode de résolution de problèmes, la Légion Saint-Joseph lors des récréations enneigées, … mais ce n’est pas ce dont ils témoignent quand ils pensent spontanément à leur défunt enseignant et que leurs souvenirs font surface.  Alexandre était plus que ça.

Certes, la perte de cet enseignant dévoué, impliqué, rigoureux, serviable … est tragique, mais les témoignages, messages et gestes posés depuis son décès nous auront tout de même permis de nous rappeler tout ce qu’il a accompli pour les centaines d’élèves qui lui ont été confiés durant sa carrière et l’effet qu’il aura eu comme enseignant dans leur parcours de vie.  Repose en paix Alexandre !

L’essentiel est invisible…

Saint-Exupéry l’écrivait dans le Petit Prince et Stéphane Laporte en faisait le titre de sa chronique d’hier sur Laurent Duvernay-Tardif.  Non, je ne vous parlerai pas de football ou de cet athlète québécois, bien que je puisse en dire long sur la persévérance qu’il a démontrée dans son parcours scolaire ou sur son accomplissement en tant que médecin à travers toutes ces années de sport professionnel.  Non.  C’est simplement qu’en ce début de semaine de reconnaissance du travail des enseignants, le titre de Laporte m’a fait penser à tout ce que les enseignants font dans une semaine ou une année, tous ces petits gestes ou ce travail qu’on ne voit pas, mais qui est tellement important et fait souvent toute la différence pour leurs élèves.  Bref, le titre m’a rappelé comment l’effet enseignant, aussi invisible soit-il, est primordial et puissant.

 

Happy teacher welcoming group of his elementary students.

L‘effet enseignant c’est cette forme de complicité entre le prof et ses élèves qui ne se voit pas, mais qui se sent et qui s’entend.  En effet, l’accueil, les mots, les intonations, les expressions et j’en passe, sont autant de façons d’entrer en relation avec les élèves.  Autant de façons de créer le lien avec eux avant même de pouvoir penser enseigner.  Différentes études menées dans la dernière décennie (Allday et al 2011; Allday and Pakurar 2007; Weinstein et al. 2009) l’expliquent bien : la façon dont l’enseignant aborde ses élèves au début de la journée, ou de la période, influence directement leur niveau d’engagement et leurs comportements, deux facteurs clés d’un climat d’apprentissage positif.  Voilà un bel exemple d’essentiel invisible pour les yeux

Une expérimentation a même prouvé que des étudiants aux études postsecondaires auraient des notes jusqu’à 30% plus élevées lorsque leur professeur manifeste un accueil chaleureux et rassurant.  Puissant cet effet enseignant !

De la même façon, il est maintenant reconnu qu’une utilisation adéquate de l’humour en salle de classe permet une émotion positive pour un élève, un petit groupe d’élèves ou même toute la classe.  Cette approche ne remplacera jamais les stratégies de gestion de classe qu’on nous apprend, mais elle gagnerait à être développée et même enseignée dans les facultés d’éducation.  L’utilisation de l’humour en classe peut prendre de multiples formes selon l’enseignant et le niveau de son groupe : se montrer sous un air drôle et caricatural, l’imitation de personnages, les blagues et les jeux de mots, le jeu de rôle, l’autodérision ou l’anecdote personnelle à saveur humoristique, pour ne nommer que ces exemples.  Comme on dit souvent, le ridicule ne tue pas !  La complicité qui se développe alors entre l’enseignant et ses élèves, procurant un état de bien-être et de confiance mutuelle, permet d’aller encore plus loin dans l’invisible pour les yeux… à la manière d’un Patch Adams de l’éducation.

 

Au-delà de la vocation ou de la passion qui anime les enseignants, il y a donc tout un travail essentiel et invisible pour les yeux.  Et je ne parle pas ici de la planification annuelle, de la préparation des leçons, de la correction ou des communications avec les parents.  Bien que ces tâches occupent une grande partie de leur quotidien, je fais plutôt référence à tous les éléments de psychologie et de pédagogie qui constituent les assises de leur enseignement, mais du même coup leur principal défi pour créer un climat propice aux apprentissages.  Je souhaite donc, par ce court billet, souligner l’excellent travail invisible des enseignants qui, jour après jour, mettent du temps et de l’énergie à créer le lien avec les élèves qu’on leur confie ou qui usent de diverses stratégies pour établir un climat de confiance avec eux et, ainsi, les amènent à développer leur plein potentiel.  Les résultats au bulletin sont souvent l’aboutissement des efforts et des stratégies de nos élèves, mais n’oublions pas que l’essentiel est invisible pour les yeux…  Bonne semaine des enseignants !

 

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Le pouvoir du lien

À l’aube d’une nouvelle rentrée scolaire, nous sommes inondés de publications au sujet de ce qui est à faire en éducation, de défis pour la prochaine année, d’idées de projets, etc.  Tout le monde a son avis sur le sujet, même les publicitaires !  Pour ma part, encore et toujours comme le suggère le nom de mon blogue, je reviens à l’essentiel : le lien avec l’élève.

High Five With Teacher

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Je lisais, encore ce matin, un petit article – 8 Proactive Classroom Management Tips – tiré du site Edutopia qui faisait état de quelques stratégies utiles à la gestion de classe.  Sans surprise, celle qui suggérait d’accueillir, de façon personnalisée, tous ses élèves à la porte de la classe chaque matin arrivait au premier rang du classement.  Dans le même esprit, celle qui parlait de tenter de bien connaître ses élèves pour bâtir, entretenir ou rétablir des liens significatifs arrive en second lieu.  L’article rapportait notamment que ces stratégies, portant sur des liens forts et positifs avec les élèves, peuvent accroître de 33% l’engagement scolaire en plus de diminuer de 75% les comportements dérangeants en classe.

« Building relationships with students through strategies like greeting them at the door is a good start. It’s also necessary to maintain them over the course of the school year, and to repair them when conflicts arise. “The stronger the relationship and the better we understand our students, the more knowledge and goodwill we have to draw on when the going gets tough. »

Marieke van Woerkom

Cette lecture n’était pas sans me rappeler les propos de Stéphane Paradis, accueilli récemment par mon équipe-école afin de lancer l’année scolaire.  En effet, ce conférencier nous parlait, avec entrain et émotion, du pouvoir des Adultes Signifiants (les AS comme il les appelait…) et de la capacité de chaque membre d’une équipe-école (notez le sens large donné au terme équipe-école par Stéphane Paradis ; de la secrétaire au concierge en passant par l’enseignant et l’éducateur, tous enseignent par ce qu’ils sont, par ce qu’ils font) à allumer des étincelles autour de lui.  Il nous invitait à prendre conscience de notre rôle et de la portée de nos gestes, nos paroles, nos regards.  Même les plus anodins d’entre eux !

Voilà plus de 25 ans que je travaille dans le milieu de l’éducation.  Sans trop me tromper, je peux affirmer que j’ai dû côtoyer des milliers d’élèves à titre d’enseignant ou de directeur.  Dans l’un ou l’autre de ces rôles, comme plusieurs de mes collègues, je me suis toujours d’abord efforcé de tenter de les connaître pour ensuite créer un lien véritable.  Je ne suis peut-être pas toujours parvenu à leur faire apprécier les disciplines scientifiques que j’enseignais, pas toujours arrivé à les faire réussir et je n’ai certainement pas toujours obtenu les résultats escomptés avec mes différentes interventions disciplinaires.  Cela dit, comme plusieurs de mes collègues, j’espère en avoir influencé positivement une grande partie.  Parfois dans l’immédiat, parfois sur une plus longue période.  Dans ce dernier cas, c’est ce qui fait que « l’œuvre » est plus grande que nous et que certaines semaines, certains mois ou même certaines années sont plus difficiles que d’autres dans une carrière en éducation.  Il faut y croire, sans nécessairement voir…

 

Je vous souhaite une merveilleuse rentrée 2019.  Que cette année qui débute bientôt soit riche en liens significatifs avec chacun de vos élèves et vos collègues.  Soyez donc des AS et ne sous-estimez pas le pouvoir de l’effet-enseignant !

 

Voir grand pour nos élèves!

Nous sommes en pleine relâche et nous amorcerons le dernier droit de l’année scolaire dans quelques jours.  Toutes les communautés éducatives, toutes les écoles et tous les intervenants encourageront les élèves à redoubler d’efforts pour terminer l’année en force, pour viser les meilleures notes – surtout depuis que la troisième et dernière étape vaut 60% de la note finale.  Évidemment!  Sans quoi il serait mal vu, mais surtout contraire à l’éthique professionnelle, d’agir autrement.  Toutefois, est-ce qu’une question d’éthique, de conscience professionnelle?  Il faut savoir que le sentiment de compétence de nos élèves joue un rôle majeur dans leur réussite, même ceux pour qui on sait déjà que le sort en est jeté.  C’est justement pour ces derniers qu’il faut lire ce qui suit…

 

Je parcourais récemment un article qui relatait les travaux de la professeure Thérèse Bouffard et, encore une fois, je prenais conscience de tout le pouvoir de l’effet enseignant.  J’ai beau l’avoir déjà rencontrée, assisté à une de ses présentations sur le sujet, écouté un reportage sur ses travaux ou lu quelques articles sur le sentiment d’efficacité personnelle, je suis toujours aussi impressionné par les conclusions de Madame Bouffard.  Pour illustrer un des faits les plus surprenants de sa recherche j’emploierai une expression empruntée à un des personnages de la série Les boys : « la dureté du mental ».  En effet, la professeure de l’UQAM, au terme de l’analyse de ses données recueillies sur près de 1000 élèves du primaire, en arrive à la conclusion suivante au sujet de la portée d’un sentiment de compétence fort :

« … ceux qui se pensent meilleurs que ne l’indiquent leurs tests d’habiletés mentales, … à potentiel égal, réussissent effectivement mieux que les autres en français et en mathématiques »

En outre, Madame Bouffard révèle que le rôle de ce sentiment de compétence semble beaucoup plus prononcé pour les élèves du secondaire.  Elle en arrive même à conclure que cette mesure de perception de compétence prédit trois fois mieux le rendement scolaire que celle des habiletés mentales.

L’article fait aussi mention du rôle des parents dans ce phénomène : l’importance de leur propre sentiment de compétence sur celui de leurs enfants ainsi que l’influence de leur style d’éducation parentale.  D’ailleurs, la récente Politique de la réussite éducative identifie clairement le parent comme le premier éducateur de son enfant.  Elle fait mention qu’il doit, entre autres, souligner les bons coups et les efforts ainsi qu’adopter une attitude positive face à l’éducation.  Les parents sont donc, depuis toujours, des acteurs incontestés de la réussite scolaire; ils doivent faire partie de l’équation.

De la même façon, l’auteur de l’article conclut en mentionnant qu’au-delà des traits de caractère qu’a chacun des élèves, leur sentiment de compétence serait fortement influencé par les relations significatives qu’ils entretiennent, notamment avec les enseignants.  C’est précisément là que le pouvoir de l’effet enseignant m’interpelle, me fascine, m’éblouit.  Bien sûr, la Politique de la réussite éducative identifie la relation enfant-éducatrice [sic] ou maître-élève comme étant au cœur du développement global ou du cheminement scolaire de l’enfant, mais en avons-nous réellement conscience?  Mesurons-nous tout l’impact que peuvent avoir les intervenants scolaires, peu importe leur rôle auprès de l’élève, peu importe le temps passé auprès des élèves dans une journée.  Un sourire, un mot, un geste peut parfois faire toute la différence.  Rien ne doit être minimisé quand il s’agit de l’avenir de nos enfants.  Prenons-nous tous les moyens pour entretenir une relation significative avec tous nos élèves et, ainsi, influencer positivement leur sentiment de compétence?  Sans vouloir faire la morale ou jouer à l’inspecteur, je nous invite à une réflexion, une introspection sur un enjeu d’une telle importance.

prof_aide_élève

Il y a certainement, ici, un parallèle à faire avec le classement des facteurs de réussite scolaire établi par John Hattie dans ses différentes publications de Visible Learning.  Ce n’est donc pas un hasard si, au terme de sa synthèse portant sur plusieurs centaines de méta-analyses, des facteurs comme le fait de ne pas étiqueter les élèves (not labelling students), la relation maître-élève (teacher-student relationships) et le attentes formulées (expectations) avaient respectivement, en 2015, un effet (« d ») de 0.61, 0.52 et 0.43.  En sachant cela et y repensant périodiquement, tous les enseignants sont en mesure d’influencer positivement le parcours des élèves de leurs classes.  En effet, laisser les idées préconçues sur le frère ou la sœur d’un élève qu’on a déjà eu, prendre le temps de connaître et de s’intéresser à chacun de nos élèves par différentes activités planifiées ou encore encourager la rigueur, l’effort et la notion du travail bien fait sont autant de comportements qui contribuent à augmenter le sentiment de compétence chez les élèves qui nous sont confiés.  Cependant, rien de tout ça n’est automatique ou garant de succès.  Cent fois sur le métier… me disait ma mère quand j’étais tout petit.

 

En éducation, nous devons, humblement, admettre que l’Œuvre est plus grande que nous.  Nous devons aussi réaliser, mais surtout accepter, que notre pouvoir est limité et partagé.  Qu’à cela ne tienne, l’influence qu’exercent les intervenants des écoles est grande et ne doit pas être sous-estimée ou minimisée.  Elle contribue directement à développer le sentiment de compétence de nos élèves qui, dans bien des cas, fait une différence non négligeable dans leur parcours, voire leur réussite.  Croire en nos élèves, tous nos élèves, est ainsi bien plus qu’un beau slogan.  Rosenthal avait donc raison pour son effet Pygmalion…

 

Pourquoi les étoiles brillent-elles ?

Rassurez-vous, je ne parlerai pas de physique nucléaire ni d’astronomie dans les prochaines lignes.  En ce début de semaine où on reconnaît et valorise la profession enseignante au Québec, je désire plutôt rendre hommage à ceux qui, jour après jour au cours d’une année scolaire, offrent le meilleur d’eux-mêmes aux élèves qui leur sont confiés.  J’écris ce billet en pensant d’abord à mon équipe, mais aussi aux enseignants¹ de mes deux fils.  Je salue au passage tous les autres que j’ai côtoyés, d’abord comme enseignant, puis comme directeur.

Five stars rating

 

Tout comme une étoile brille grâce à l’énergie lumineuse libérée lors du processus de fusion nucléaire, l’enseignant rayonne quand certains éléments et diverses compétences sont présents.  Je pense d’abord ici à la passion qui l’anime.  On l’a lu la semaine dernière, ne devient pas enseignant, un bon enseignant, qui veut.  Une étoile peut briller à 3000 K ou à 50 000 K.  C’est la même chose en éducation.  On peut gérer une classe, sans plus, mais on peut aussi créer un contexte, un climat, une relation afin de sortir le meilleur de nos élèves et les amener à se dépasser. À l’instar de la voûte étoilée que nous laisse découvrir un ciel dégagé, il y a plusieurs enseignants qui brillent !  Certains dès leur début de carrière, d’autres après quelques années d’expérience.  Puis, comme les amas d’étoiles qui forment des galaxies ou des constellations, les enseignants se regroupent et s’organisent pour briller davantage.  Mais pourquoi les étoiles brillent-elles ?  Pourquoi nos enseignants rayonnent-ils autant ?

• Parce que, quotidiennement, ils font preuve d’abnégation en faisant passer l’élève en premier, en ne comptant pas leur temps et parfois même leur argent.

• Parce qu’ils cherchent à comprendre chacun de leurs élèves, à les accepter avec leurs limites ou difficultés et offrir les adaptations nécessaires pour favoriser le développement de leur plein potentiel.

• Parce qu’ils sont créatifs et imaginatifs dans les situations d’apprentissage qu’ils créent ou adaptent pour leur enseignement.

• Parce qu’ils accordent autant d’importance à la matière qu’à la relation qu’ils créent avec les élèves.

• Parce que leur dynamisme et leur enthousiasme sont débordants, même dans les journées les plus difficiles.

• Parce qu’ils sont engagés dans une démarche professionnelle de formation continue afin d’être à l’affût des nouvelles données de recherches, des techniques et méthodes récentes ou tout simplement pour compléter leur formation initiale.

• Parce que, sans toujours le réaliser ou en prendre toute la mesure, ils inspirent les élèves qui leur sont confiés et influencent le cours de leur vie.

Comme une étoile ne se reconnaît pas qu’à sa couleur ou sa température, un enseignant ne se définit pas qu’à ce qui précède.  Enseigner tient souvent de l’intangible (Meredith, 1950).  Être enseignant est une tâche à la fois complexe et subtile.  Ouf !

Bravo et merci à toutes nos étoiles de l’enseignement !  Continuez à briller comme vous le faites tous les jours !

Bonne semaine des enseignants !

 

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¹ Même si je sais qu’il y a définitivement plus de femmes que d’hommes qui œuvrent en éducation au Québec (Statistiques MEES, p.85), le masculin est seulement employé en conformité avec les règles de la langue française.

Quand Pygmalion rencontre Hattie

Je lisais, il y a quelques jours, un billet portant sur l’effet Pygmalion et je ne pouvais m’empêcher de penser à l’effet enseignant.  Qu’on le veuille ou non, se voir confier un groupe d’élèves, qu’ils soient d’âge préscolaire ou même du secondaire, comporte son lot de responsabilités ainsi qu’un pouvoir trop souvent minimisé, voire ignoré.

 

L’auteur faisait alors référence à l’expérience menée, dans les années 60, par le psychologue Robert Rosenthal où des enseignants avaient été informés que certains élèves étaient, suite à l’analyse des résultats de tests d’intelligence, susceptibles de démontrer une progression spectaculaire au cours de l’année scolaire.  Alors que, dans les faits, rien ne les distinguait réellement de leurs pairs sur le plan des facultés intellectuelles, leurs résultats aux mêmes tests administrés en fin d’année démontrèrent une progression anormalement élevée, particulièrement pour les plus jeunes (1re et 2e années).

Father Helping Daughter With Homework

Que faut-il comprendre de cette expérience ?  Comme je l’écrivais plus haut, cette lecture me rappelait certaines des conclusions de Hattie.  À mon avis, l’effet Pygmalion peut aujourd’hui être associé :

  • au fait de ne pas étiqueter les élèves (d = 0,61);

En effet, il semble que le bénéfice plus marqué chez les petits (6-8 ans) soit attribuable au fait que les enseignants impliqués dans l’expérience ne pouvaient pas vraiment avoir d’idée préconçue puisque ces élèves n’avaient qu’un très court historique scolaire.  Par opposition, la même expérience menée avec des élèves de 5e ou 6e année s’est avérée moins concluante (une progression tout juste moins grande que celle de leurs pairs pour le « doués » de 5e et une plus faible pour ceux de 6e).  Et si Rosenthal avait fait l’inverse en « identifiant » les élèves les moins susceptibles de connaitre une progression intéressante pendant une année scolaire ?  Auraient-ils régressé ?  C’est là, avec un tel corollaire, qu’on saisit toute la puissance de l’effet enseignant.

« Ils ne savaient pas que c’était impossible, alors ils l’ont fait. »

Mark Twain

  • à la qualité des relations enseignant-élève (d = 0,52);

À l’instar de Rosenthal, d’autres chercheurs ont démontré que la différence dans la progression des élèves identifiés comme « doués » ne dépendait pas du temps passé avec eux, mais plutôt de la qualité des interactions qu’ils avaient avec leur enseignant.  Par exemple, de façon plus ou moins consciente, ce dernier leur souriait plus fréquemment, avait plus de contacts visuels avec eux et hochait de la tête plus régulièrement.

  • ou encore aux attentes d’un enseignant envers ses élèves (d = 0,43).

Rosenthal expliqua que l’opinion d’un enseignant au sujet d’un enfant qu’il croit « doué » influence directement son attitude envers lui.  L’élève se sentira plus en confiance, sera davantage motivé, fournira plus d’efforts dans son travail et progressera mieux.  Toujours selon Rosenthal, cet effet Pygmalion se joue au niveau de l’inconscient et du langage du corps pour l’enseignant ; la posture ou le ton de voix peuvent alors influencer l’enfant et lui induire une image positive qui fera la différence au niveau de la progression dans ses apprentissages.

De mon côté, je relierais cette explication à ce que la professeur Thérèse Bouffard appelle aujourd’hui le sentiment d’efficacité personnelle (SEP).  Un des besoins fondamentaux de l’humain, et l’élève n’y échappe pas, consiste à se sentir compétent pour agir efficacement dans son environnement.  Ainsi, la croyance de la personne en sa capacité d’organiser et d’exécuter les actions qui sont requises pour atteindre les objectifs fixés et produire les résultats recherchés dans la tâche est déterminante pour un élève.  L’enseignant a donc un rôle crucial à ce niveau ; il doit, en plus de croire en ses propres capacités, croire en celles de ses élèves pour leur assigner des buts clairs, stimulants et atteignables.

« Un homme qui doute de lui est comme un homme qui s’enrôlerait dans l’armée ennemie pour porter une arme contre lui-même. Par sa conviction d’échouer, il rend cet échec certain. »

Alexandre Dumas, fils

 

Malgré le fait que l’effet enseignant soit aussi le résultat de quelques autres facteurs d’influence, il reste qu’un intervenant scolaire (enseignant, éducateur, professionnel de la consultation, directeur) ne devrait jamais minimiser son impact sur le parcours d’un élève.  Travailler à refléter une image positive de nos élèves et s’efforcer de protéger leur SEP font partie de notre rôle.  À nous d’y voir !

 

Une des clés de la persévérance scolaire

En cette fin de la plus récente édition des journées québécoises de la persévérance scolaire (JPS), je prenais conscience de la quantité de nouvelles relativement à des initiatives en ce sens et je réalisais combien de messages d’encouragement et d’annonces d’acteurs de toutes sortes – du ministre de l’Éducation au propriétaire d’une entreprise ayant quelques étudiants à l’emploi de sa PME – étaient apparus sur mon fil Twitter au cours de la dernière semaine.

De la crédibilité de l’enseignant

Malgré le désormais célèbre proverbe africain « Il faut tout un village pour éduquer un enfant », on parle tout de même des journées de la persévérance scolaire.  Quiconque aura eu la chance d’étudier le latin saura que schola réfère directement à l’école, à la classe, donc à l’enseignant.  L’enseignant.  Encore et toujours l’enseignant!  Même si le rôle des parents dans la réussite scolaire est indéniable, qu’on reconnaît aussi que les décisions prises par les instances scolaires ou, plus près de l’élève, celles prises par la direction de l’école peuvent être déterminantes sur un enjeu comme celui du décrochage ou, finalement, que les effets de la mobilisation d’une communauté influencent directement l’avenir des jeunes, c’est à l’enseignant que revient le premier rôle des acteurs réunis autour d’un élève.  Ainsi, sans rien enlever aux différents protagonistes de la réussite scolaire, l’effet enseignant prend ici, une fois de plus, tout son sens.  L’effet positif il va sans dire!  On connaît tous des histoires d’horreur, mais ce ne sont évidemment pas celles-là qui m’intéressent ou qui retiennent mon attention.

Cela dit, pour avoir un effet enseignant favorisant la réussite, certains facteurs ont plus d’impact que d’autres.  Bien sûr, il y a la relation enseignant-élève dont j’ai déjà parlé dans un autre billet, mais il y a aussi la crédibilité qu’accorde l’élève à son enseignant.  En effet, les conclusions de la méta-analyse menée par Hattie ont, depuis 2011, révélées que la crédibilité de l’enseignant influence grandement (d = 0,90) la réussite scolaire.  On pourrait croire au caractère purement subjectif de cette donnée puisqu’il s’agit de la mesure d’une qualité attribuée par l’élève, mais il en est tout autrement.  Bien installée dans le « top 10 » des éléments répertoriés par Hattie, ce dernier ne définit pas la crédibilité comme le ferait le Larousse ou le Robert, mais bien selon quatre éléments qui doivent être omniprésents dans la pratique des enseignants reconnus comme crédibles par leurs élèves : la confiance, la compétence, le dynamisme et la proximité.  Le dernier élément faisant référence, selon la traduction de Stéphane Côté, à la « présence physique » de l’enseignant dans la classe ainsi qu’à « l’aide que l’élève perçoit recevoir lorsqu’il en a de besoin ».  Qu’on soit plus ou moins en accord avec cette définition et/ou son usage dans le classement des facteurs favorisant la réussite, nous avons probablement tous déjà vécu une situation, scolaire ou non, où nous avons persévéré grâce à une personne à qui on accordait, même inconsciemment, une forme de crédibilité.  Tel un athlète avant la finale olympique, on a confiance en nos capacités et on sait combien de fois on a répété ce qu’on s’apprête à faire ou combien d’heures d’entraînement nous ont mené ici.  Malgré tout, on a besoin de notre entraîneur, de l’expression de sa crédibilité; remarquer sa présence, être rassuré par sa compétence, sentir sa confiance et être motivé par son dynamisme.  Donc, à bien y penser, les résultats de Hattie trouvent un réel écho dans la classe…

Prendre conscience de notre impact

Pour en revenir aux JPS, il a toujours été clair pour moi (et ça l’est maintenant davantage) que les enseignants ou le personnel d’une école (éducateurs, professionnels, personnel de soutien, membres de la direction) ont une large part de responsabilité dans la persévérance et la réussite des élèves.  Une part parfois plus grande que celle qu’on peut imaginer ou celle qu’on s’attribue.  Et loin de moi l’idée de mettre de la pression sur les acteurs du système (moi inclus)!  Cependant, il ne faut pas minimiser, voire nier, l’importance de notre rôle auprès des élèves qui nous sont confiés.  Un geste, un mot, un regard…  Une seconde, une minute, une période…  C’est parfois tout ce qu’il faut pour créer le lien, influencer positivement et exercer sa crédibilité auprès d’un élève.  Le reste ne dépend pas toujours de nous, mais l’inverse est moins vrai.

photosourireUn geste, un mot, un regard…  Une seconde, une minute, une période…  C’est parfois tout ce qu’il faut pour créer le lien, influencer positivement et exercer sa crédibilité auprès d’un élève.

Il faut donc s’arrêter 2 minutes pour prendre conscience de l’impact et du pouvoir qu’on peut avoir sur l’apprentissage, le développement, l’orientation scolaire ou même le choix de carrière d’un enfant.  Ça peut donner le vertige à certains, mais c’est un pouvoir que nous nous devons d’exercer avec tout le professionnalisme qu’on nous reconnaît.  Faire de l’école une expérience positive, développer le plein potentiel et influencer pour l’avenir, voilà ce qui résume nos défis quant à la persévérance scolaire. Cela dit, une foule d’exemples se trouvent près de nous (j’en lisais encore un autre ce matin) en ce qui concerne de belles histoires où l’influence d’un enseignant, d’un éducateur, d’un animateur, d’un entraîneur, … fut déterminante dans la vie d’un jeune, aujourd’hui devenu un adulte accompli.  Continuons et ajustons nos pratiques en fonction de ce qui est reconnu et réputé efficace au niveau de la réussite scolaire.

La persévérance scolaire c’est l’affaire de tous, mais souvenons-nous que ça débute en classe et, à ce titre, qu’il nous appartient de prendre les bons moyens afin de s’assurer de viser les meilleurs résultats pour nos élèves.

La relation enseignant-élève : un outil de réussite scolaire

Si je vous demandais quels sont vos souvenirs de l’école primaire, ou ceux de votre passage au secondaire, quelle serait, spontanément, votre réponse?  La note finale obtenue dans le cadre d’un cours ou les liens crées avec un membre du personnel, tel un enseignant?  Probablement que vous me relateriez ceux liés à un enseignant ou un autre membre du personnel de l’établissement que vous fréquentiez.  Normal?  Tout à fait!  Même si Hattie ne lui attribue plus le même effet (d = 0,52 en 2015 VS d = 0,72 en 2009), on peut affirmer, sans trop se tromper, que la relation enseignant-élève est au centre de l’expérience scolaire des enfants et des adolescents qui sont dans nos classes.  Les liens créés avec un enseignant qu’on apprécie seraient donc beaucoup plus marquants que, par exemple, les résultats inscrits au bulletin.  Un constat qui mérite qu’on s’y attarde.

En effet, parce qu’ils côtoient les élèves quotidiennement ou sur une base régulière, les enseignants établissent des relations qui influencent, au-delà des contenus qu’ils enseignent ou des compétences qu’ils tentent de faire acquérir, le bien-être affectif, la motivation, les résultats ou même le choix de carrière, pour ne nommer que ces éléments.  Il est donc du devoir de tout adulte qui œuvre dans une école, particulièrement les enseignants, de prendre les moyens nécessaires afin de développer et entretenir des liens significatifs avec chacun des élèves qui lui sont confiés.  Cela peut paraître banal pour certains, démesuré pour d’autres, il n’en demeure pas moins que l’effet d’une relation enseignant-élève positive est une variable prépondérante, ayant des répercussions à de multiples niveaux et jouant un rôle déterminant sur le lien que l’élève aura avec l’école (Fredriksen et Rhodes, 2004; Brewster et Bowen, 2004).  Malheureusement, on sous-estime trop souvent le pouvoir de l’effet enseignant…  On s’intéresse et on s’attarde davantage au contenu en pensant favoriser la réussite de nos élèves alors que Fallu et Janosz (2003) ont clairement démontré que les relations chaleureuses diminuent le risque de décrochage scolaire des élèves à risque élevé.  Il est donc d’une importance capitale qu’on prenne le temps et les moyens appropriés pour créer ce lien, si puissant, dès la première minute de la classe ou dès l’instant qu’on côtoie des élèves, peu importe notre fonction dans une école.

Happy communication

La relation entre la personne qui enseigne et l’élève ne correspond pas uniquement à quelque chose qui se produit dans un contexte, mais il s’agit, en fait, du contexte qui se trouve au cœur même de la dynamique d’enseignement et d’apprentissage.

(Enseigner selon mes rêves; ACE-CEA; 2013)

Un bonjour, un prénom

Récemment, alors qu’il était de passage à mon école pour entretenir les enseignants titulaires au sujet de la pédagogie 3.0, j’avais la chance d’écouter Stéphane Côté au sujet de l’organisation et la gestion de classe.  Pour lui, tout se joue dans les cinq premières minutes de la journée (de la période).  Il importe alors de s’astreindre à un exercice (sans se laisser « déranger » par sa direction d’école disait-il…) où chaque élève doit être accueilli par un bonjour, suivi de son prénom et, idéalement, d’une forme de questionnement permettant de saisir l’état dans lequel il se présente en classe.  De répéter machinalement une formule de salutation, sans la personnaliser, n’apporte rien à la relation enseignant-élève.  Ce dernier doit sentir que l’enseignant lui accorde de l’importance, qu’il compte pour lui.  C’est exactement ce que Fortin, Plante et Bradley (2011) identifient comme étant une des recommandations au niveau des enseignants : les sensibiliser aux meilleures attitudes à avoir pour bonifier leurs interactions avec les élèves.  Ainsi, le soutien, la chaleur, l’engagement, le respect, l’équité, les attentes élevées, la proximité et certains comportements non verbaux sont autant de stratégies utiles afin de créer un lien étroit avec ses élèves.

Par ailleurs, d’autres conditions ont clairement été identifiées dans le cadre de la conclusion du travail [1] des chercheurs cités plus haut. En voici quelques-unes :

Au plan des connaissances et des attitudes des enseignants

Sensibiliser les enseignants à reconnaître les impacts d’une relation positive avec leurs élèves, qui se font ressentir bien au-delà du plan scolaire.

Qu’on pense à l’estime de soi, aux habiletés sociales ou tout simplement au bien-être émotionnel des élèves en général, de nombreux aspects de la vie extérieure à l’école bénéficient de cette relation positive.

Sensibiliser les enseignants à l’importance de mieux connaître leurs élèves.

Une bonne compréhension de la réalité personnelle et familiale d’un élève permet, assurément, à l’enseignant de mieux le comprendre, d’ajuster ses interactions avec lui et ultimement de le soutenir plus adéquatement.  Par ailleurs, j’oserais dire que le fait de fréquenter nos élèves dans un cadre autre que celui de la classe (activités parascolaires, sorties et voyages, …) donne l’occasion, autant à l’enseignant qu’à l’élève, de connaître l’autre sous de nouveaux angles et, ainsi, d’identifier des qualités, des aptitudes ou des intérêts qui servent à tisser des liens qui ne peuvent qu’être que bénéfiques à la relation enseignant-élève.

Au plan des pratiques pédagogiques

Connaître les meilleures pratiques à adopter pour les élèves à risque.

Plus un enseignant se sent compétent à gérer une classe en plus de maîtriser les contenus à enseigner, plus il risque d’entretenir des relations positives avec ses élèves.  Ainsi, parce qu’il y a de plus en plus d’élèves intégrés ces dernières années, il est primordial que chaque enseignant puisse être au fait des pratiques pédagogiques les plus efficaces en plus de maîtriser un certain éventail de stratégies relationnelles éprouvées envers des élèves présentant des besoins particuliers.  Le sentiment de confiance et d’efficacité de l’enseignant est donc un facteur clé si on veut favoriser une relation enseignant-élève menant à la réussite scolaire.

Et moi qui m’étais toujours demandé pourquoi la semaine québécoise de reconnaissance des enseignants précédait toujours, de très près, les journées de la persévérance scolaire…  Je comprends maintenant que derrière la réussite d’un élève il y a, exception faite de ses prédispositions personnelles et familiales, le lien avec un enseignant ou un autre adulte significatif de l’école.  Bonne semaine nationale des enseignantes et des enseignants!



[1] Recension des écrits sur la relation enseignant-élève; Laurier Fortin, Amélie Plante, Marie-France Bradley, Chaire de recherche de la Commission scolaire de la Région-de-Sherbrooke sur la réussite et la persévérance scolaire; avril 2011.