Des anges gardiens

Le concept s’est installé au printemps dernier et, au plus fort de la crise de la COVID-19, le Québec remerciait ses anges gardiens quotidiennement.  Les téléspectateurs qui assistaient alors à chacun des points de presse attendaient avidement que le premier ministre élise les anges gardiens du jour et leur offre ses remerciements les plus sincères.  On a alors, avec raison, largement parlé des préposés aux bénéficiaires (PAB) et on a, notamment, remercié le personnel des services d’urgence ou celui des épiceries et dépanneurs qui, disait-on, mettaient leur vie en jeu pour maintenir les services d’alimentation.  On a même vu des parades pendant lesquelles les puissants gyrophares scintillaient et les tonitruantes sirènes retentissaient.  On ne ménageait rien pour nos anges gardiens.  C’était au printemps…

Aujourd’hui, 5 octobre, la crise de la COVID-19 se poursuit.  Aujourd’hui, 5 octobre, les écoles du Québec sont ouvertes (bien que plusieurs classes soient fermées et vivent l’enseignement à distance).  Aujourd’hui, partout dans le monde, c’est une journée bien spéciale dans le monde de l’éducation ; c’est la journée mondiale des enseignant(e)s initiée par l’UNESCO en 1994.  Cette année, c’est l’occasion de mettre la profession enseignante à l’honneur dans le monde entier, de faire le point sur les progrès accomplis et de mettre l’accent sur ceux et celles qui sont au centre des efforts déployés en vue d’atteindre la cible mondiale de l’éducation : ne laisser personne de côté.  D’ailleurs, conjointement avec d’autres dirigeants d’organisations dédiées aux enfants et à l’éducation, la directrice générale de l’UNESCO, Audrey Azoulay, a fait cette déclaration :

« Pendant cette crise, les enseignants ont une fois de plus fait preuve de grandes qualités de leadership et d’innovation, veillant à la #continuitépédagogique et à ne laisser aucun élève de côté.  Partout dans le monde, ils ont travaillé individuellement et collectivement pour trouver des solutions et créer de nouveaux environnements d’apprentissage pour leurs élèves, afin d’assurer la poursuite de l’enseignement.  Leurs conseils sur les plans de réouverture des établissements et le soutien qu’ils fournissent aux élèves dans le cadre du retour à l’école est tout aussi important. »

Je souhaite donc, à mon tour, souligner tout le travail qu’ils ont accompli au printemps dernier et qu’ils accomplissent depuis cette rentrée historique.  Leur engagement, leur dévouement et leur professionnalisme ont toujours été reconnus à travers les époques.  De nos jours, c’est encore plus vrai et remarqué de tous.  La rapidité avec laquelle ils se sont retournés pour assurer une continuité pédagogique à distance, la créativité démontrée pour faire autrement, la résilience manifestée devant les obstacles imposés par un nouveau contexte de travail, l’importance accordée à chacun de leurs élèves au niveau des apprentissages et la bienveillance démontrée dans différentes situations sont autant de preuves tangibles des qualités que je leur reconnais et que j’admire depuis longtemps.

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Nous voici maintenant à l’automne.  Port d’équipements de protection individuelle (EPI), nombreuses absences quotidiennes chez les élèves, nouvelles routines pour se conformer aux règles sanitaires imposées, développement accéléré de compétences technologiques, enseignement à distance, etc.  Autant de contraintes que les enseignant(e)s (et nombre d’autres catégories de personnel des écoles…) surmontent quotidiennement, au plus grand bonheur de leurs élèves, pour assurer la poursuite des apprentissages.  Autant d’arguments pour moi d’affirmer qu’ils sont de réels anges gardiens de l’éducation.  Je n’attendrai donc pas une conférence de presse de nos élus pour le clamer ou encore une démonstration populaire avec fanfare et trompettes pour l’illustrer.  Non.  Aujourd’hui, j’ai déjà toutes mes raisons pour célébrer nos anges gardiens et rendre hommage à ces femmes et ces hommes qui, par leurs actions quotidiennes, influencent les enfants qu’on leur confie.  Bonne journée mondiale des enseignant(e)s !

Il y a souvent des opportunités derrière les contraintes…

J’en étais déjà convaincu, je le suis encore plus maintenant : l’effet enseignant est une donnée capitale en éducation.  Une semaine après le début de la fermeture des écoles en cette crise de la COVID-19 et ces avis d’isolement ou de distanciation, je constate que le facteur enseignant est toujours aussi primordial dans l’acte d’enseigner.

Vous me direz sans doute que c’est évident puisqu’il faut parfois être coupé de quelque chose ou de quelqu’un pour réaliser que ça nous fait défaut ou que cette personne nous manque.  Hattie aussi nous dit la même chose par certaines des conclusions de sa recherche sur plus de 800 méta analyses (2015).   En effet, parmi les stratégies ayant le plus d’influence sur la réussite des élèves ou celles pour lesquelles il est probable qu’un enseignant ait un effet positif sur son groupe, on retrouve :

  • les rétroactions ou « feedback » (d = 0,73)
  • l’enseignement de stratégies en résolution de problèmes ou « problem solving teaching » (d = 0,63)
  • l’enseignement dirigé par l’enseignant ou « direct instruction » (d = 0,60)
  • le fait d’établir des relations positives avec ses élèves ou « teacher-student relationship » (d = 0,52)

Ainsi, l’apprentissage à distance, bien que primordial en ces temps de confinement pour garder nos élèves actifs et leur permettre de maintenir un rapport avec l’école, a ses limites.  Le lien avec l’enseignant manque à plusieurs et s’avère donc être une des clés enseignement.  C’est à ce moment que les plateformes (gratuites pour plusieurs d’entre elles) permettant la visioconférence deviennent d’excellents compléments au travail fait à domicile.  Qu’on y ait recours tout simplement pour maintenir un lien visuel et les relations avec les élèves, qu’on choisisse de l’utiliser pour l’enseignement de stratégies ou encore qu’on profite de la plateforme pour offrir de la rétroaction aux élèves, on ne peut minimiser l’effet enseignant.  Dans les circonstances, le complément offert par la visioconférence est essentiel et les enseignants devraient y avoir recours aussi souvent que possible selon l’âge de leurs élèves et le contexte propre à chaque niveau scolaire.

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Loin de souhaiter que cette crise de la COVID-19, la fermeture des écoles et les mesures de confinement qui l’accompagnent durent dans le temps, je demeure convaincu que les enseignants sauront assurer la continuité pédagogique en plus de maximiser leur effet grâce aux moyens technologiques dont ils disposent.  L’histoire est remplie d’exemples du genre où l’humanité a fait preuve d’adaptation.  Ce ne sera probablement pas parfait du premier coup, mais ayons confiance en nos moyens.  Courage !