L’école privée et la ségrégation scolaire : un discours à revoir

En cette période électorale où l’éducation occupe une place, jamais assez grande, dans le discours des politiciens, je désire m’exprimer sur la question de la place des EHDAA à l’école privée.  J’estime que trop de gens pensent encore qu’il n’y a que l’élite qui fréquente le privé.  Pourtant, pour ne nommer que cet exemple, le ministère de l’Éducation offre une mesure financière additionnelle aux écoles privées qui, depuis maintenant trois ans, présentent un projet ayant pour but le soutien de leurs élèves en difficulté.  Cette année, sans surprise, cette enveloppe est complètement dépensée, voire totalement insuffisante pour la plupart des écoles qui présentent un projet.  Il est temps qu’on cesse cette désinformation et qu’on rétablisse les faits.

 

Je suis directeur d’une école primaire privée à Montréal. J’ai auparavant dirigé des écoles publiques. Dans les deux cas, j’ai eu parmi mes élèves des enfants ayant des besoins particuliers : difficultés d’apprentissage, troubles du langage, difficultés d’adaptation, retards scolaires, etc. Dans les deux cas, j’ai toujours travaillé avec mon équipe pour élaborer des plans d’intervention afin de permettre à ces enfants de surmonter leurs difficultés et leur offrir des conditions favorisant la réussite.

La grande différence entre l’école privée et l’école publique ne se situe pas au niveau des élèves, ni au niveau du personnel. Elle se situe au niveau de la gestion de l’école. L’école privée est autonome. Cela lui permet d’avoir une agilité quant à la mise en œuvre de moyens pour accompagner chaque élève qui lui est confié.

Cette année, notre école offre pour la première fois le programme ID+ créé pour les élèves qui, depuis le début de leur parcours scolaire, ont rencontré des difficultés sur le plan des apprentissages. Ce programme vise à offrir, à travers le programme de formation régulier, des conditions avantageuses en vue de favoriser leur réussite. Ainsi, plusieurs adaptations sont proposées pour que l’expérience scolaire de ces élèves soit positive et qu’ils soient en mesure, à la fin de leur primaire, d’entrer au secondaire en étant bien outillés pour réussir.

Schoolboy

Dès l’annonce de la mise en place de ce programme, nous avons reçu plusieurs demandes de parents à bout de souffle, à la recherche de ressources pour leur enfant en difficulté. Il est clair qu’il y a un besoin criant de solutions pour ces élèves.

L’école privée offre une alternative à bien des familles qui souhaitent que leur enfant puisse réussir malgré un diagnostic et/ou de réelles difficultés. Couper le financement aux écoles privées sous prétexte que cela permettrait d’éliminer la ségrégation scolaire, c’est bien mal connaître la réalité des écoles privées qui sont nombreuses à offrir des solutions intéressantes aux élèves ayant des besoins particuliers, et ce même si la subvention pour ces EHDAA qui fréquentent l’école privée n’est pas ajustée comme elle l’est pour ceux qui fréquentent l’école publique.  Mais ça, c’est un autre débat.

S’élever au-dessus du débat public-privé

Cette fois-ci, je me permets un billet qui sort du sujet habituel de mon blogue.  C’est que je me dois de réagir à une situation vécue cette semaine.  Après tout, n’est-ce pas là le propre d’un blogue ; permettre de s’exprimer, d’expliquer ou même de ventiler ?

 

La semaine dernière, des réminiscences du débat public-privé en éducation ont fait l’objet d’un article dans le Huffington Post.  Je suis bien placé pour témoigner ; c’est d’un tournage dans la cour de l’école que je dirige qu’il a été question.

Des tournages, il y en a eu au moins deux par année à l’École Saint-Joseph (1985).  Une Websérie, un épisode pour une émission jeunesse ou une série télévisée, une publicité, des images pour un journal Web, …  Il faut dire que, depuis les scènes captées dans le cadre de Monsieur Lazhar, film de Philippe Falardeau primé dans différents festivals en 2011, le mot se passe dans le milieu artistique.  L’architecture de l’école, le soin apporté à l’entretien des bâtiments, la proximité des bureaux de grands diffuseurs ou de maisons de production, mais aussi le fait que c’est une école privée.  Et ici, par privée, je ne parle pas d’éducation ou d’enseignement, mais bien du fait que c’est une école autonome où les décisions sont prises localement, rapidement, par le directeur général.  Ainsi, même si elle contacte le D.G. que deux semaines avant la date prévue pour le tournage (ce qui arrive fréquemment dans ce milieu…), l’équipe de production peut tout de même avoir une réponse, des détails et l’assurance que son projet se déroulera sans anicroche.  Grosse différence par rapport au système public !  Et je parle ici en connaissance de cause…  J’ai tout de même dirigé 4 écoles publiques sur près de 10 ans avant d’occuper mes fonctions actuelles.  En effet, j’ai déjà manqué l’opportunité de voir le tournage d’un vidéoclip de David Guetta se tenir à mon école pour une réponse qui ne venait pas et, dans un autre registre, j’ai dû faire maintes et maintes démarches, sur près de trois mois, pour avoir la chance d’accueillir une des étapes du Grand Tour cycliste.  Pas (toujours) simple et rapide la bureaucratie d’une commission scolaire !

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Cette précision faite, revenons au débat public-privé.  Pourquoi les tenants de l’école publique soulignent-ils, à grands traits, le fait qu’une récente publicité du gouvernement ait été tournée, en partie, dans une école privée ?  Pour les téléspectateurs qui n’auraient pas encore visionné la publicité en question, cette dernière débute en affichant des images de la réception d’une école, se poursuit avec des images tournées dans ce qui ressemble à un parc-école pour ensuite clairement se terminer dans une cour d’école.  Le dialogue s’établit entre des parents qui se réjouissent de l’annonce d’investissements en éducation.  Une école, une cour d’école et l’annonce de mesures financières pour soutenir les écoles.  Pourquoi en faire tout un plat ?  Rien, absolument rien, ne permet d’identifier qu’il s’agit d’une école privée.  Qui plus est, les idées et les investissements annoncés sont destinés, en très grande majorité, aux écoles publiques.  Rien pour relancer pour le débat public-privé.  Rien !  Pourquoi alors ne pas choisir de célébrer ces annonces du gouvernement ?  Sans tomber dans la partisanerie, pourquoi ne pas se réjouir devant ces investissements massifs en éducation ?  Investissements qui, sans que ce soit nommé comme tel dans le Plan économique du Québec, touchent aussi le privé.

Ainsi, un peu à la manière de ce qui est prévu dans le Plan, les écoles privées ont vu réapparaître certaines allocations supplémentaires afin de créer des environnements propices à l’apprentissage.  C’est donc dans cet esprit que seront versées, au moins cette année, les sommes relatives au plan d’action sur la lecture et celles allouées pour la mise en œuvre du virage informatique.  Par ailleurs, pour ce qui est de l’aide aux élèves ayant des besoins particuliers (n’en déplaise à certains, on en retrouve dans plusieurs écoles privées non sélectives), les mesures 30110 et 30120 sont maintenues.  Ces dernières visent respectivement l’achat de mobilier et d’équipements adaptés ainsi que l’ajout de ressources spécialisées afin de mettre en place différents éléments d’intervention.

Cela dit, sans vouloir mettre de l’huile sur le feu, je tiens tout de même à préciser que la plupart des écoles privées sont des organismes à but non lucratif qui, pour plusieurs d’entre elles, occupent des bâtiments patrimoniaux.  Ainsi, ces écoles gagneraient, elles aussi, à bénéficier d’un financement additionnel pour l’entretien et l’amélioration de leurs infrastructures.  Non seulement elles ne font pas partie du Plan gouvernemental à ce chapitre, mais elles ont vu leur financement diminuer substantiellement à ce chapitre depuis quelques années.

 

Au final, publique ou privée, l’école québécoise doit recevoir positivement plusieurs des récents paramètres budgétaires.  Elle peut, en outre, applaudir les récentes annonces et le Plan mis de l’avant pour relancer l’éducation.  Laissons de côté, pour une fois, le débat public-privé et élevons-nous au-dessus de la mêlée pour voir plus loin qu’une cour d’école.